2021
Cairn
Béatrice Cherrier et al., « Back to Front: The Role of Seminars, Conferences and Workshops in the History of Economics », Revue d'économie politique, ID : 10670/1.zn4e1r
Rares sont les productions en histoire de la pensée économique à ne pas faire référence, même de manière anecdotique, à un séminaire, une conférence ou un workshop, afin d’illustrer le contexte d’émergence d’un concept, détailler la trajectoire d’un protagoniste, ou encore, évoquer les étapes de la canonisation d’un modèle. Peu, en revanche, ont fait de ces manifestations scientifiques les acteurs centraux de leur narration. Au travers de quelques-unes de ces productions, mais surtout des sept études qui composent les deux volumes du présent numéro spécial, cet article introductif se propose d’aborder les séminaires, conférences et workshops comme des objets d’étude autonomes. Il reflète la difficulté d’établir une taxonomie distinguant de manière immuable les séminaires, des conférences ou des workshops, tant leur dénomination et leur organisation procèdent d’un mélange de traditions, de contextes et de contingences spécifiques. Il parvient, cependant, à retracer les origines historiques propres à chaque type de manifestations, en souligne les caractéristiques primitives, ainsi que les dimensions saillantes et désormais communes. A cet égard, il identifie deux fonctions majeures. Les séminaires, conférences et workshops peuvent être considérés comme des espaces où la confrontation de ressources intellectuelles et institutionnelles — tantôt complémentaires, tantôt substituables, parfois concurrentes — débouchent sur la construction de théories, concepts, outils, pratiques, voire de programmes politiques. Ces manifestations doivent également être perçus comme des « armes de diffusion massive », par lesquelles les théories, outils ou pratiques sont propagés à travers l’ensemble du champ, ciblant l’adhésion (ou le ralliement) des étudiants, des collègues, ou des institutions. Ce processus de dissémination suppose la formation de réseaux, de communautés de chercheurs, partageant des idées ou des appétences communes. Il engendre indissociablement une logique d’exclusion ou de marginalisation, celle des théories alternatives et de leurs représentants, qui favorise le développement de hiérarchies basées sur l’âge, l’origine sociale, le genre, ou encore l’appartenance institutionnelle. Cette logique est véhiculée par les règles, explicites comme implicites, qui régissent les interactions entre participants : elle passe par des canaux de transmission privilégiés, souvent anodins, comme les dîners ou les moments de convivialité. L’article s’interroge enfin sur les conditions de la visibilité et de la pérennité de ces séminaires, conférences et workshops : il suggère que le leadership et l’esprit d’entreprise des parties prenantes puissent constituer des raisons prépondérantes de leurs succès ou de leurs échecs.