12 janvier 2018
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Anne-Raphaëlle Richoz, « Vers la compréhension du traitement dynamique du visage humain », Theses.fr, ID : 10670/1.zq2hzw
Au cours des dernières décennies, la plupart des études investiguant la reconnaissance des visages ont utilisé des photographies statiques. Or dans notre environnement naturel, les visages auxquels nous sommes exposés sont des phénomènes dynamiques qu’il est difficile de communiquer écologiquement avec des images statiques. Cette exposition quotidienne et répétée à des visages en mouvement pourrait-elle avoir un effet sur notre système visuel, favorisant le traitement de stimuli dynamiques au détriment des statiques ?Afin d’éclairer cette problématique, les recherches présentées dans cette thèse avaient pour but d’utiliser des stimuli dynamiques pour étudier différents aspects du traitement des visages à travers plusieurs groupes d’âge et populations. Dans notre première recherche, nous avons utilisé des visages animés pour voir si la capacité de nourrissons âgés de 6-, 9- et 12 mois à associer des attributs audibles et visibles à un genre est influencée par l'utilisation d’un discours de type adulte par opposition à un langage de type enfantin. Nos résultats ont montré qu’à partir de 6 mois, lorsqu'ils étaient soumis à un discours de type adulte, les nourrissons associaient les voix et visages de femmes. Par contre, lorsqu'ils étaient confrontés à un langage de type enfantin, cette capacité apparaissait seulement à l'âge de 9 mois. Ces premiers résultats soutiennent l'idée selon laquelle le développement de la perception multisensorielle chez les nourrissons est influencé par la nature même des interactions sociales.Dans notre deuxième recherche, nous avons utilisé une nouvelle technique 4D pour reconstruire les représentations mentales des six émotions de base d’une patiente présentant un cas unique et pure de prosopagnosie acquise (i.e., une incapacité à reconnaître les visages), afin de réexaminer une question bien débattue, à savoir si les modules cérébraux sous-jacents à la reconnaissance de l’identité et des expressions faciales sont séparés ou communs. Les résultats ont montré que notre patiente a utilisé toutes les caractéristiques faciales pour identifier les émotions de base, ce qui contraste fortement avec son utilisation déficitaire de l'information faciale pour la reconnaissance de l’identité. Ces résultats confortent l’idée selon laquelle différents systèmes de représentations sous-tendent le traitement de l'identité et de l'expression. Par la suite, nous avons pu démontrer que notre patiente était capable de reconnaître adéquatement les expressions émotionnelles dynamiques, mais pas les émotions statiques provenant de ses propres représentations internes. Ces résultats qui pourraient être expliqués par un ensemble spécifique de lésions dans son gyrus occipital inférieur droit, soutiennent l’idée selon laquelle le traitement des stimuli statiques et dynamiques se produit dans des régions cérébrales différentes.Dans notre troisième recherche, nous avons investigué si d'autres populations ayant un système visuel neurologiquement fragile ou en développement bénéficient également de la présentation d’expressions dynamiques. Nous avons demandé à plus de 400 sujets âgés de 5 à 96 ans de catégoriser les six expressions de base en versions statique, dynamique ou bruitée. En utilisant un modèle Bayésien, nos résultats nous ont permis de quantifier la pente d'amélioration et de déclin pour chaque expression dans chaque condition, ainsi que d'estimer l'âge auquel l’efficacité est maximale. En résumé, nos résultats montrent la supériorité des stimuli dynamiques dans la reconnaissance des expressions faciales, de manière plus marquée pour certaines expressions que d'autres et de façon plus importante à certains moments spécifiques du développement.Dans l'ensemble, les résultats de cette thèse soulignent l'importance d’investiguer la reconnaissance des visages avec des stimuli dynamiques, non seulement en neuropsychologie, mais aussi dans d'autres domaines des neurosciences développementales et cliniques.