2017
Cairn
Martial Poirson, « Le spectacle est dans la salle. Siffler n’est pas jouer », Dix-huitième siècle, ID : 10670/1.zxdayf
La porosité entre plateau et édifice théâtral est totale et réversible au 18e siècle. La salle de spectacle est le champ de manœuvre d’un affrontement entre différentes catégories de spectateurs qui se disputent l’attention et cherchent à conquérir un espace public structuré par la représentation. Neutraliser le tumulte, voire les fureurs de la salle devient, dans le dernier tiers du 18e siècle, une véritable obsession, aussi bien pour les observateurs, chroniqueurs et journalistes que les auteurs, comédiens et théoriciens du théâtre. Soucieux d’assurer une certaine intégrité à l’œuvre et une relative autonomie à l’artiste, ils souhaitent surtout focaliser l’intérêt d’un spectateur considéré comme dissipé ou perturbateur, quitte à lui faire perdre toute possibilité d’interaction et par conséquent, à priver le peuple d’un des rares espaces symboliques d’expression qui lui soient offerts sous l’Ancien Régime. L’enjeu est donc, à travers ce débat essentiel, de confisquer au public une puissance d’affirmation politique et esthétique nouvellement acquise, en qualité de juge en dernier ressort de la représentation.