2013
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Roberto Mercuri, « Dante e l'esilio », Arzanà. Cahiers de littérature médiévale italienne, ID : 10.3406/arzan.2013.1037
L'auteur de cette contribution analyse la façon dont l'expérience de l'exil est élaborée et sublimée progressivement par Dante, à travers les grandes canzoni de l'exil, les traités et, surtout, la Comédie. L'exil représente avant tout une perte : et la perte de la patrie imposée à Dante par son bannissement se traduit, dans son chef-d'œuvre, par la métaphore initiale de l'égarement, dont le chemin perdu par Ulysse constitue le parallèle antithétique. Ulysse, Dante et son propre public sont d'ailleurs pris dans une dynamique triangulaire, par le biais des appels aux lecteurs qui ouvrent chaque cantica et par le recours au champ métaphorique de la navigation (s'appliquant, à la fois, au voyage dans l'écriture, réalisé par l'auctor, et au récit du voyage effectué par le pèlerin agens). La donnée historique qu'est l'exil de Florence est intériorisée comme peregrinatio et traduite dans le récit du parcours de vérité accompli par le pèlerin, en 1300, dans l'outre-tombe. Cette peregrinatio implique le rapprochement plus ou moins explicite avec un certain nombre de personnages appartenant au mythe, à l'histoire et à la littérature, classiques, bibliques ou du Moyen Âge. Les figures emblématiques, de ce point de vue, sont l'Hippolyte ovidien (Pd XVII), attestant l'exitus de l'âge de fer et l'espoir d'un retour à un âge d'or où régnerait la justice, et le héros et pèlerin moderne Romieu de Villeneuve (projection de Dante dans PdX), impliqués, tous deux, dans l'investiture poétique et prophétique par Cacciaguida (à travers le modèle intellectuel de Boèce). La métaphorisation de l'exil dans le voyage que représente la Comédie est pour Dante un moyen de récupérer la patrie perdue, s'inspirant du modèle biblique de l'exode. Aussi le champ métaphorique qui joue sur l'opposition liberté 7 captivité connote-t-il, au niveau narratif, les moments clefs de l'itinéraire dans l'au-delà, dont le but est Dieu, le Bien suprême (ou la cité céleste par opposition à la cité terrestre). L'espace-temps de l'histoire est ainsi dépassé et sublimé dans l'espace-temps du poème sacré, dont l'horizon est l'éternité : c'est le poème qui assure à Dante cette gloire poétique qui lui permet de dépasser la fracture historique et la désagrégation existentielle de l'exil.