2024
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2264-2617
Ce document est lié à :
https://hdl.handle.net/20.500.13089/11pc5
Ce document est lié à :
https://doi.org/10.4000/11pc5
info:eu-repo/semantics/openAccess , https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
Frédérique Rémy, « De la neige de toutes les couleurs ! », Revue de géographie historique
Imaginez des voyageurs, qui, en marchant dans la neige, laissent derrière eux des traces de couleurs vives : vertes comme des épinards, bleues comme du méthylène, rouges comme du sang, jaunes, ocres…. Parfois, la neige laisse même des traces phosphorescentes. Ces phénomènes intriguent et effraient les témoins. Certaines de ces couleurs, par exemple le bleu, bien qu’attestées par de nombreux observateurs, ne seront jamais totalement expliquées. Les autres le seront au milieu du XIXe siècle, voire début du XXe pour la neige jaune ou ocre. Celle-ci observée en Arménie est très vite expliquée par le dépôt éolien de poussières de déserts proches. Mais les Alpes ou le Groenland sont très éloignés des déserts. Comment le vent peut-il transporter de la matière sur de si longues distances ? L’admettre fut difficile. A l’inverse, la neige rouge est mentionnée très tôt mais reste, durant plusieurs siècles, une curieuse énigme. Elle semble due à de petits globules : poussière d’étamines, frai, champignons, algues, œufs, infusoires… ? Autant de scénarios proposés pour en expliquer la cause. Ces petits globules ont un comportement des plus curieux. En culture, ils restent blancs ; dans la neige, ils deviennent rouges ; puis trempés dans l’eau, verts. Au microscope, ils ont des petites pattes et se déplacent, ils se reproduisent par division. Ils possèdent à la fois les caractéristiques des règnes végétal et animal. Pourtant ces deux règnes semblaient être à l’époque totalement distincts. Il faudra attendre 1866 pour que Ernst Haeckel forge le mot « protiste » pour désigner un troisième règne possédant certaines des caractéristiques des deux autres, troisième règne dont firent alors partie nos globules, ainsi que les champignons ou les algues.Pour finir, toute coloration réduit le pouvoir réfléchissant de la neige immaculée et absorbe davantage la chaleur du soleil. En particulier, la neige rouge, due à des algues qui vivent à quelques centimètres sous sa surface et se reproduisent juste au moment de sa fonte, a un effet de rétroaction positive sur le climat, en se propageant avec le réchauffement et en l’accentuant. À terme, la « coloration » de la neige pourrait avoir un impact critique sur le réchauffement climatique.