2024
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/11pc5
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https://doi.org/10.4000/11pc5
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Maxime Decaudin, « L’atmosphère meurtrière de Hong Kong », Revue de géographie historique
Les découvertes de la fin du xixe siècle, surtout en minéralogie et en microbiologie, ont progressivement fait cesser les spéculations scientifiques au sujet d’un des phénomènes les plus étranges de l’histoire de la colonisation de Hong Kong : son atmosphère meurtrière. Décrits par de nombreux naturalistes, les mystérieux effets dévastateurs du climat s’articulent autour d’un double paradoxe. D’une part, bien avant que l’île ne soit occupée par l’armée britannique, les observateurs érudits de la fin du xviiie et du début du xixe siècle s’interrogent sur l’influence néfaste que le climat semble avoir sur la végétation locale. Située au niveau du tropique du Cancer, la région de Canton, à laquelle les îles de Hong Kong appartiennent, est l’une des plus riches et des plus peuplées de l’Empire chinois. Les Européens s’attendent donc à y découvrir des paysages fertiles et cultivés ainsi que de vastes jungles tropicales. Or, ils s’étonnent systématiquement de l’absence de forêt dont ils cherchent sans succès à déceler les causes naturelles. L’étrangeté du phénomène vaudra même à Hong Kong le surnom de barren rock, ou « rocher aride », dans la presse anglophone lorsqu’en avril 1841, la nouvelle de son acquisition parvient à Londres. D’autre part, au cours des premières années de l’occupation britannique, l’île s’avère rapidement invivable pour les soldats et les premiers colons qui y sont régulièrement victimes d’incessantes vagues d’épidémies baptisées Hongkong fever, ou fièvre hongkongaise. Appliquant les théories médicales néohippocratiques en vigueur au milieu du xixe siècle, les médecins coloniaux assurent que les agents pathogènes émanent, comme ailleurs sous les tropiques, de la végétation en décomposition. Cette conclusion suscite une vive controverse : comment est-il possible qu’une île dépourvue de forêt, connue pour son aridité et surnommée barren rock, le « rocher stérile », puisse favoriser une quelconque décomposition végétale ? Dubitatifs, les contemporains élaborent d’autres hypothèses, parfois contradictoires, qui conduisent même certains à recommander l’abandon immédiat de l’île. S’appuyant sur un corpus des comptes rendus écrits avant et après l’occupation de l’île en 1841, cet article propose d’analyser les conséquences de ce phénomène paradoxal sur le processus de colonisation. Quels types d’inquiétudes la mystérieuse nocivité de l’atmosphère suscite-t-elle alors chez les colons ? Comment les différentes théories médicales en cours au milieu du xixe siècle génèrent-elles de nouvelles anxiétés ?