2009
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/12ib9
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https://doi.org/10.4000/12ib9
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Romain Bricout et al., « De nous à nous », Filigrane
Lorsque Gilbert Simondon décrit le processus d’individuation psychique et collective, il montre le caractère indissociable du je et du nous (ou des nous), avec, en son coeur, un et relevant de la technique. Cette dernière peut tour à tour être la pratique d’un langage, mais aussi l’écriture, l’imprimerie, les technologies de la photo-sono-vidéofixation, ou encore de nos jours, le réseau. Pour mieux saisir l’apport de la pensée de Simondon dans la compréhension du monde musical d’aujourd’hui, nous souhaitons confronter deux approches musicales. D’une part, l’exemple singulier de la musique acousmatique ou électroacoustique dans la filiation de la « musique savante » - entendue comme un savoir à transmettre - qui échoue précisément à atteindre un large public, autrement dit à élargir le nous des initiés. D’autre part, les musiques électroniques populaires qui, quelques décennies plus tard, semblent redécouvrir le « langage » de la musique électroacoustique par la manipulation artisanale des instruments, en renforçant, simultanément et de proche en proche, une véritable communauté de praticiens de la musique. En conséquence, et à l’aube des mutations technologiques du xxie siècle, on s’interrogera sur les caractères « associatifs » ou « dissociatifs » des techniques musicales et de leurs usages. Si une technique peut structurellement tendre soit à favoriser ou à détruire le processus d’individuation, allant dans certains cas jusqu’à la transformation des je et nous en on, comme négation de ces mêmes je et nous (Bernard Steigler), c’est toujours l’usage de cette même technique qui est déterminant. L’exemple de la télévision (emblématique de la vidéosphère) montre comment un dispositif en étoile (un émetteur vers plusieurs récepteurs sans possibilité de réponse) peut provoquer une perte de participation et de symbolisation, et ainsi générer une potentielle « misère symbolique ». A l’inverse, l’écriture graphique qui est initialement une technique de contrôle du pouvoir par les clercs sur le peuple, devient, avec l’invention de l’imprimerie, l’un des plus puissants vecteurs des idéaux démocratiques. Les relations qu’entretiennent musiques électroacoustiques « savantes » et musiques électroniques « populaires » sont riches d’enseignements sur l’importance et les diverses formes que peut recouvrir cette liaison technique, indispensable au passage du je au nous, mais aussi d’un nous à un autre nous.