2024
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/1319e
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https://doi.org/10.4000/1319e
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Amélie Moisy, « Thomas Wolfe: Modo and the Potential for Renaissance », Sillages critiques
Chez Thomas Clayton Wolfe (1900-1938), la tension moderniste entre néophilie et néophobie fut très palpable, et finit par devenir le medium d’une restauration de la force vitale de l’écriture. Wolfe estimait en effet que l’écrivain américain devait aller vers la nouveauté, en « apprenant à parler la langue que personne dans ce pays n’avait encore parlée ». Il s’inspirait de la littérature du passé, classique et européenne, en s’essayant en même temps à des techniques et des thèmes plus modernistes, et recherchait ainsi à créer une certaine stabilité dans un monde en mutation. On a associé Wolfe aux écrivains des différentes « renaissances » – la Renaissance anglaise, la Renaissance américaine et plus particulièrement la Renaissance du Sud. Toujours à cause de son ambivalence entre néophilie et néophobie, son œuvre a été considérée comme relevant d’un « bad Modernism », « un « mauvais modernisme », pour reprendre l’expression tour à tour laudative et critique de Douglas Mao et Rebecca Walkowitz pour désigner une forme d’art dont l’audace initiale se trouve mise en péril au moment où il devient largement accepté. Pour les éditeurs conservateurs de Wolfe, son style excessif et intense sur le plan émotionnel, oscillant entre le lyrique et le laconique, semblait être d’avant-garde. Pourtant, ses associations professionnelles ont affecté son image radicalement indépendante ; ses contemporains, les Agrarians du Sud qui devinrent les New Critics, rejetèrent ses choix artistiques. La tension entre d’une part la préoccupation de Wolfe pour la dégénérescence et la décadence, et d’autre part son insistance sur le modo, ou le « maintenant » – cet instant fugace et souvent incandescent – est une caractéristique centrale de son Modernisme. Wolfe recrée les moments d'intensité que Pater appelait de ses vœux dans sa conclusion à « La Renaissance », tant par la veine poétique de sa prose que par les « conversions » politiques qu’il décrit. Le modo, qui comprend à la fois la néophilie et la néophobie, tout en les dissipant par un sentiment de justesse et de communion, confère à l’œuvre de Wolfe un dynamisme exceptionnel, qui se fait annonciateur d’une vita nova.