2024
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/13d0f
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https://doi.org/10.4000/13d0f
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Cristina Ciancio, « Le droit pénal et les défis de la laïcisation », Cahiers Jean Moulin
Dans le royaume d’Italie, de nombreuses interventions législatives ont eu un impact considérable sur des aspects sensibles pour le sentiment religieux des catholiques. Le mariage civil, la crémation comme possible alternative à l’inhumation, ou l’instruction publique, pour donner des exemples, ont été présentés par la classe dirigeante libérale comme des réformes emblématiques d’une politique laïque visant à se débarrasser d’héritages dépassés afin de réintégrer dans le débat public les choix les plus importants pour la coexistence civile et les ramener sous la tutelle étatique. Il s’agissait de questions sur lesquelles les positions des conservateurs catholiques et des libéraux laïques se sont distinguées clairement, et dont tout le monde percevait les implications politiques et idéologiques immédiates. La perspective analytique choisie est de considérer, parmi d’autres aspects, une question qui se faufile entre les plis de ces différences et de ces oppositions, sur laquelle ces oppositions ont fini par apparaître beaucoup moins évidentes, où le consensus et la contestation se sont polarisés au-delà des schémas traditionnels ; une question, enfin, qui, tout au long de l’histoire du royaume d’Italie, a représenté un défi pour le processus de laïcisation de la société. Le viol des sépultures et restes humains a toujours été considéré comme une atteinte à la religion, codifié depuis le corpus de Justinien et soumis à l’excommunication par le droit canonique. Avant qu’un processus de séparation du trône et de l’autel fût accompli, la condamnation de la part de l’Église de la violation de sépulture en tant que sacrilège était suffisant pour en faire, y compris aux yeux des pouvoirs séculiers, un crime. Dans les États italiens, le rationalisme hygiéniste et anticlérical des Lumières et de l’Aufklärung a apporté des changements profonds dans les soins et la gestion des corps morts et de leur inhumation. Toutefois, la culture et la sensibilité italiennes ont continué à exprimer une certaine résistance à la sécularisation et à la médicalisation de la mort et de ses rituels, d’une manière souvent détachée de l’ancrage dans la foi catholique. L’indignation suscitée par toute manipulation ou violation de sépultures et de cadavres transcendait les clivages culturels et idéologiques traditionnels. Mais si ce consensus transversal reposait sur la reconnaissance de valeurs non réductibles aux préceptes d’une confession religieuse particulière, toute tentative de construire une protection des sépultures en tant que biens exclusivement sécularisés se révélait inadéquate.