« Travailler contre des fantômes »

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En 2008, Boris Charmatz crée Flip Book, projet polymorphe que le chorégraphe décrit comme « une pièce que l’on pourrait qualifier de méta-Cunningham, une chorégraphie ‘totale’, puisque [le travail de Cunningham] y est représenté, mais complètement fausse ». Dans cette pièce, Charmatz reprend, avec plusieurs interprètes, toutes les photographies de l’ouvrage Merce Cunningham, un demi-siècle de danse de David Vaughan, respectant le principe du combinatoire hasardeux pour l’écriture d’une chorégraphie qui ne peut plus se concevoir comme un simple hommage. Une telle expérience ne fait pas exception dans la création chorégraphique actuelle, qui a vu se développer des créations semblant vouloir penser, par la praxis, la mémoire vive de leur discipline, et par là même, leurs propres processus, en refaisant, réactivant, par des modalités parfois radicalement opposées, les actes fondateurs d’un passé récent, d’une histoire contemporaine qu’il s’agit d’écrire sur un mode performatif. À travers la figure singulière de Boris Charmatz, je m’intéresse à ces pratiques qui, par la scène (que celle-ci se trouve dans une institution théâtrale ou muséale), travaillent l’histoire récente de leur art, en la parcourant corporellement, en l’incarnant. En quoi de telles démarches dépassent-elles le statut de document ? Comment deviennent-elles des créations à part entière ? En quoi ce que nous pourrions nommer la re-prise d’une altérité proche – cet autre que Charmatz décrit comme « fiction stimulante » et qui nous constitue autant qu’il nous différencie – permet-elle d’interroger plus largement l’acte même de performer et de créer aujourd’hui ?

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