1996
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Vincent Zanetti, « De la place du village aux scènes internationales », Cahiers d’ethnomusicologie
Propulsé sur le devant des scènes occidentales par la mise en place des ballets nationaux du Mali, de la Guinée et du Sénégal, le jembe a probablement été marqué plus que tout autre instrument par les transformations sociales et culturelles qui touchent en profondeur toute l’Afrique de l’Ouest depuis le début des années 1960. Du fait de son extrême popularité auprès des musiciens européens et nord-américains, ce tambour d’origine malinké est désormais joué par les percussionnistes de toutes les ethnies, dans tous les pays où l’on trouve des communautés mandingues, et s’impose aujourd’hui dans toutes sortes de répertoires anciens ou nouveaux, au détriment parfois des instruments utilisés traditionnellement par les batteurs. Son propre répertoire traditionnel est certes repris, tant par les musiciens de ballets que par les batteurs de rue, mais, extrait du contexte culturel dans lequel il est né, il tend à perdre sa diversité et son originalité. Obligés pour survivre de s’adapter à la demande locale, les batteurs de rue connaissent encore certains rythmes liés aux cultures musicales respectives des différents groupes ethniques dont ils doivent animer les fêtes, mais leur style est de plus en plus marqué par celui des ballets, d’une part, et d’autre part par les enregistrements de quelques solistes malinké fameux, qui avaient d’ailleurs participé à la création des ballets, mais qui reprennent aujourd’hui les rythmes traditionnels de leur pays. La volonté de ceux-ci est tout à fait louable, puisqu’il s’agit pour eux de préserver un répertoire, mais les jeunes jembefola qui reprennent leur musique n’en retiennent le plus souvent que la virtuosité : ils ne savent pas à quoi correspondent les rythmes et préfèrent ne garder que ce qui peut enrichir leur jeu de solistes. Quant à ceux qui ont la chance de voyager hors d’Afrique, ils se rendent vite compte que pour tourner en Europe ou en Amérique, ils sont condamnés soit à suivre les modes du moment, soit à innover et à s’imposer grâce à une démarche originale. Dans tous les cas, c’est toujours l’Occident qui sert de révélateur et qui pousse le musicien à sortir des sentiers battus, que ce soit en retournant aux sources de sa musique ou en cherchant sa voie dans de nouveaux genres musicaux. Face à toutes ces mutations rapides et profondes, le chercheur qui voudrait en marquer les différentes étapes et en comprendre les mécanismes n’a alors pas d’autre choix que de procéder par monographies spécialisées, s’intéressant aussi bien aux répertoires de villages qu’à ceux pratiqués par les batteurs de rue dans les grandes villes, en tenant compte des influences externes. Alors seulement il peut les comparer et les analyser à la lumière des éléments ethnographiques qu’il aura pu rassembler. Paradoxalement, à l’heure où l’on trouve des jembe sur toutes les scènes de la world music, ce travail a tout juste été amorcé et tout reste à faire…