2014
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https://doi.org/10.4000/rsl.355
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Éric Guichard, « L’internet et les épistémologies des sciences humaines et sociales », Revue Sciences/Lettres
Les ordinateurs et les réseaux nous rappellent à quel point notre pensée est instrumentée et nous font prendre conscience qu’elle l’a toujours été. Pour le dire autrement : la culture propre à l’informatique apparaît surtout technique. Mais elle n’est que la traduction contemporaine de l’ensemble des savoir-faire liés à la maîtrise de l’écriture. Nous (re)découvrons alors un lien étroit entre culture technique et culture des savants et des érudits, et les anthropologues ont montré la relation entre cette dernière et la culture au sens large : par effet de domination (le pouvoir de l’écrit) et parce que l’écriture invite à la réflexion sur les objets qu’elle manipule ou met en évidence. Il y a donc un lien direct entre culture technique propre à l’écriture et culture d’une société. Nous montrons alors comment l’écriture électronique et en réseau infléchit les problématiques et les épistémologies de disciplines communément regroupées sous l’étiquette « sciences humaines et sociales » (SHS) : nouvelles méthodes, potentialités combinatoires, questions posées par les usages du « numérique », etc., mais aussi savoir-faire élémentaires (écrire ou repérer un signe dans un texte). Certaines de ces problématiques commencent à être abordées par des personnes qui se revendiquent du mouvement des « humanités numériques ». Nous montrons que la faiblesse argumentative des représentants de ce mouvement est moins préoccupante pour les scientifiques que la facilité avec laquelle ils se font entendre : outre le dévoilement sociologique du monde universitaire actuel, toujours instructif, ce n’est pas tant l’essor des « humanités numériques » qui pose problème (parce qu’elles seraient mal définies ou joueraient d’un oxymore peu efficace épistémologiquement) que le silence de représentants des « SHS » quant à l’évolution des contours de chacune de leur discipline sous l’effet de l’écriture contemporaine. Pourtant, l’étude de cet effet, déjà balisée par des épistémologues, est prometteuse. Et elle permet de comprendre ce qui se « fabrique », de façon profane comme savante, en matière de culture numérique.