2012
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https://doi.org/10.4000/transatlantica.5723
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Suzanne Fraysse, « Force de la pudeur », Transatlantica
Cet article se propose de montrer comment la sexualité constitue un lieu stratégique de la bataille abolitionniste menée par les récits d’esclaves. L’étude de la première scène de flagellation de l’autobiographie de Douglass, publiée en 1845, permet d’examiner un exemple de la façon dont est suggérée une tyrannie sexuelle à peine dicible dans un contexte régi par de strictes règles de bienséance narrative. D’autres récits d’esclaves sont ensuite examinés pour montrer comment la pudeur des narrateurs n’est pas une simple soumission à la pudibonderie ambiante mais une stratégie rhétorique visant à opposer le fugitif, soumis à des valeurs morales conservatrices, aux maîtres coupables de brouiller les frontières conventionnelles entre le masculin et le féminin, le Noir et le Blanc, l’animal et l’humain. Dès lors, et même s’ils tentent de contester les valeurs associées à ce type d’oppositions, les narrateurs de récits d’esclaves se retrouvent prisonniers d’un modèle conservateur qui consacre leur infériorité. Leur soumission au lectorat abolitionniste a toutefois ses limites et la pudeur leur permet aussi de protéger leur intimité d’un lectorat avide de sensations.