2016
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https://hdl.handle.net/20.500.13089/lpj0
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Hugo Clémot, « The End of Lost: The Paradox of Serialized Television and the Experience of Loss », TV/Series
La question de savoir pourquoi tant de spectateurs furent si déçus par la fin de Lost pose le problème de la clôture narrative. Pour le résoudre, Noël Carroll a proposé un modèle « érotétique », qui soutient que l’impression de finalité que l’on ressent à la fin de la plupart des films et des épisodes est provoquée par le fait que les questions que se pose le spectateur trouvent finalement une réponse. Cette théorie expliquerait l’enthousiasme suscité par une série qui accumule les mystères, mais aussi la déception finale de ne pas avoir reçu toutes les clés pour les comprendre. Si ce modèle érotétique présente incontestablement un intérêt au moins formel, on peut montrer, à partir de Lost, qu’il est néanmoins préférable de penser les choses selon un modèle téléologique où la subordination de certaines questions et réponses à d’autres renvoie en fait à un rapport entre moyens et fins. Cependant, on présuppose alors qu’il doit être possible de connaître les fins des personnages et du récit, sans quoi rien n’aurait de sens, alors que nous ne pouvons que reconnaître le caractère séparé des personnages et du monde projeté, et admettre que nous sommes condamnés à comprendre sans jamais être certains que nous ne fassions pas que projeter des fins qui ne s’y trouvent pas. Or, les séries télévisées permettent de vivre une expérience sceptique, créée par ce que l’on peut appeler le « paradoxe des séries », c’est-à-dire l’idée qu’il est toujours possible de poursuivre une série autrement et de modifier ainsi rétrospectivement le sens des nombres ou des événements passés qui la constituent, une vérité sceptique qui menace aussi l’histoire personnelle du spectateur, tout en lui offrant la possibilité de changer et d’atteindre un meilleur état du moi. Pour surmonter cette épreuve sceptique, la série nous apprend à contempler la forme d’une finalité qui semble se dessiner dans toute vie, sans qu’on puisse se former une représentation de sa fin, une leçon qui justifie que l’on puisse trouver la fin de Lost réussie.