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Malvezy Hélène-Marie et al., « Récit de vie d’un universitaire et de son engagement au cours de la Seconde Guerre mondiale », Archives de la recherche & Phonothèque MMSH dans Calames
L’enquêtrice n’indique jamais le nom de son informateur ni sa relation interpersonnelle mais on peut comprendre à l’écoute qu’il s’agit d’un ancien professeur de lettres de l’Université d’Aix-en-Provence, essayiste : Raymond Jean. Né en 1925 à Marseille, il n’était alors qu’un enfant pendant les années 1930 et nous livre ses tous premiers souvenirs, tout en analysant le mécanisme de la mémoire. Il fait appel à la psychanalyse de Sigmund Freud et à Georg Groddeck pour analyser son premier souvenir conscient : le motif d’un tapis oriental. Puis, il analyse ce qu’il appelle les "faux souvenirs", créés par des photographies. Dans un premier temps, il évoque sa famille et tout particulièrement son père, inspecteur des Douanes et homme de gauche. Du Front Populaire, il retient une atmosphère de liesse politique (rencontres électorales, défilés d’ouvriers). A propos de lui-même, il ne souhaite pas s’étendre sur sa période scolaire car il garde l’impression d’un monde répressif ; il ira même jusqu’à parler d’une "discipline de caserne". En revanche il insiste sur l’avènement d’une "culture véritable", par le biais des films et des livres. Du cinéma de l’époque, il sera marqué par les premiers films de Marcel Carné comme Le jour se lève et par le cinéaste Jean Grémillon, réalisateur du Ciel est à vous. Il souligne la tendance populaire de ces films, qui ne sont pas pour autant populistes. Il n’oublie pas les films américains : films fantastiques, premiers westerns… Du point de vue de la littérature, il cite Le sang noir de Louis Guilloux, La nausée de Jean-Paul Sartre comme reflet de cette époque. A la fin des années 1930, il est fasciné par Jean Giono, emblème du courant pacifiste. La guerre sera pour lui une grande fracture qui marque son entrée dans l’âge adulte. Il donne l’image d’une France triste et fait un parallèle avec l’ambiance du film Le chagrin et la pitié de Marcel Ophüls. Il ne se rend compte du racisme que tardivement, lorsqu’il voit sur la carte d’alimentation de sa mère le tampon rouge : sa mère était juive. C’est alors qu’intervient sa première prise de conscience politique et intellectuelle : à l’âge de 16 ans, il s’engage dans un réseau de résistance : le FTPF (Francs Tireurs et Partisans Français) où il va avoir des responsabilités de plus en plus importantes. Il est particulièrement fier d’avoir participé à la libération de Marseille, à bord d’une jeep américaine, alors que ses parents étaient terrés dans leur cave. Il sait aussi montrer toute l’horreur de la guerre, notamment lors du bombardement du 27 mai 1944, lorsqu’une bombe éclate sous le tunnel du boulevard National. Au cours de son entretien il traverse Marseille et en particulier la topographie du quartier des Cinq Avenues jusqu’à la Blancarde. Il termine (mais l’enregistrement s'interrompt brutalement) sur un souvenir d’enfant lors d’un défilé sur le Vieux-Port lorsqu’il découvre l’esprit nationaliste arrogant qu’il a en horreur : un jeune homme sourd et muet, est sommé d’enlever sa casquette lorsque sonne La Marseillaise.