Varoujan Arzoumanian et Patrick Bardou, architectes et éditeurs s’expriment sur leur parcours professionnel, de leurs études d'architecture à leur travail d'éditeurs spécialisés en architecture au sein de la maison d'éditions Parenthèses

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21 février 2023

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Varoujan Arzoumanian et al., « Varoujan Arzoumanian et Patrick Bardou, architectes et éditeurs s’expriment sur leur parcours professionnel, de leurs études d'architecture à leur travail d'éditeurs spécialisés en architecture au sein de la maison d'éditions Parenthèses », Archives de la recherche & Phonothèque MMSH dans Calames


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Cet entretien réalisé avec les deux architectes et éditeurs fondateurs de la maison d'édition Parenthèses, Varoujan Arzoumanian et Patrick Bardou, est conduit par les enseignantes-chercheuses en architecture Ana Bela de Araujo et Audrey Jeanroy et se déroule au siège de la maison d'éditions à Marseille. Après une courte biographie, les sujets abordés concernent leurs études d'architecture à l'Unité pédagogique d'architecture de Marseille, le voyage qu'ils ont accompli au cours de leurs études, la maison d'édition Parenthèses qu'ils ont créée à Marseille et leur travail éditorial. Varoujan Arzoumanian débute en retraçant son histoire familiale. Ses parents étaient réfugiés du génocide arménien. Ils émigrent d'abord à Marseille puis dans la banlieue d'Alger, où il donnent naissance à leur fils, pour ensuite s'installer définitivement à Marseille après l'indépendance de l'Algérie. Varoujan Arzoumanian est scolarisé au lycée Saint Charles, où il y croise Patrick Bardou. Son frère, plus âgé, étudie aux Beaux-Arts, favorisant un environnement propice au dessin et à l'art. Varoujan Arzoumanian dessine des coupes de maisons dès l'âge de sept ou huit ans et il déclare qu'il a toujours voulu être architecte. Patrick Bardou, lui, naît à Marseille. Il situe son premier contact avec l'architecture alors qu'il est en quatrième, à l'occasion d'un exposé sur la l'immeuble « La cité radieuse » de l’architecte Le Corbusier, qui venait de disparaître ; à Marseille, on l'appelait « la maison du fada ». Malgré cet intérêt et l'ouverture d'esprit que cela lui a apporté, il s'oriente brièvement vers la chimie pour finalement passer son baccalauréat en première, en candidat libre. Il entre alors à l'Unité pédagogique d’architecture (UPA) de Luminy. L'enquêtrice interroge les témoins sur leur vécu au sein de l'école d’architecture, deux ans après la scission d'avec l'école des Beaux-Arts. À Marseille, les deux écoles sont proches et Patrick Bardou fréquentait volontiers les ateliers de l'école voisine. Au sein de l'école d’architecture, les enseignements étaient très variés. Les deux témoins se rencontrent au début de leurs études. Varoujan Arzoumanian se souvient également de l'école comme un lieu très agréable, où ils ont passé beaucoup de temps, restant dans les ateliers après les cours pour y travailler. Ils ont reçu l'enseignement d'André Dunoyer de Segonzac pour le second œuvre et soulignent que l'enseignement marquant fut celui de Paul Nelson, à partir de la troisième année. Ils retiennent également ceux du sociologue Claude Prelorenzo et de l'architecte Michel Lamourdedieu. Plus généralement, ce sont les enseignements délivrés en atelier, permettant davantage de proximité avec l'enseignant qui ont été les plus pertinents, à contrario de ceux délivrés en amphithéâtre. Les deux témoins relatent l'ambiance des cours. La conversation s'engage sur l'organisation et le contenu de la formation ainsi que sur les modalités d'enseignement. Ils évoquent tout d'abord les cours de première année nommés « Découverte des groupements humains », qui consistaient à analyser des territoires ou des fonctions, grâce à des relevés de terrain faits par des architectes, des sociologues et des géographes. Ils lisent les ouvrages conseillés par Claude Prelorenzo et les textes polycopiés d'André Dunoyer de Segonzac. En deuxième cycle, pressentant qu'il est encore tôt pour se lancer dans le projet architectural - Patrick Bardou avait déjà l'expérience du travail en agence, tandis que Varoujan Arzoumanian travaillait dans une imprimerie où il acquiert des compétences dans la réalisation des maquettes de livres (il donne des précisions sur ce travail un peu plus tard dans l’entretien) - ils choisissent l'atelier dirigé par Paul Nelson et Georges Félici puis par Carlos Pizarro, assisté par l'architecte Shin Yong Hak. Patrick Bardou explique leur souhait de se constituer une vaste culture autour du projet puis décrit le rythme des projets menés au sein de l'école. Un groupe d'élèves, dont les témoins, remettent en question les enseignements de l'école – ils décrivent des happenings - Paul Nelson accompagnant ces initiatives contestataires. Patrick Bardou rappelle qu'au cours des deux premières années, beaucoup de temps était consacré à l'expression graphique : dessin, aquarelle, peinture, photographie et analyses d'objets. La conversation s'arrête brièvement sur des considérations concernant la profession d'architecte, avant de revenir sur les relations des témoins avec divers enseignants de l'UP de Luminy, comme Paul Quintrand ou Seymour Howard, celui-ci leur manifestant un certain intérêt. Ils citent les professeurs qui étaient à l'UP de Luminy, au début de leur formation. Ils reviennent sur le choix de l'atelier en deuxième cycle, parmi quatre, d'après leur souvenir. Le choix se faisait selon l'affinité, mais également selon le nombre de places disponibles. Chaque professeur responsable en faisait une présentation en amphithéâtre : Seymour Howard, André-Jacques Dunoyer de Segonzac, Éric Guerrier et Paul Nelson. Parmi un peu plus de 200 étudiants en première année, à peine une moitié poursuivait jusqu'au diplôme d'architecte. À cette époque, les études durent six ans, mais les témoins prennent une année supplémentaire pour accomplir un voyage d'études, trois ans avant le diplôme, entre septembre 1975 et février 1976. Avant le voyage, ils se cultivent avec des ouvrages d'architecture anglais, japonais, etc, dénichés à la librairie La Touriale à Marseille ; ils y trouvent également des revues d'architecture dont la revue anglaise Architectural Review et traduisent certains articles en français, pour leurs camarades. L'enquêtrice invite les témoins à décrire cet environnement culturel et spatial autour de cette librairie, avec sa spécificité pour l’architecture et la présence d'un magasin de matériel graphique pour les architectes et les artistes, tout à côté. Ils étaient toujours à l'affût de nouvelles propositions. La conversation s'oriente ensuite sur l'engagement et les orientations politiques au sein de l'école, à titre personnel et plus globalement. Deux tendances structurent l'enseignement, l'une plus conservatrice, avec des architectes ayant eux-mêmes étudié aux Beaux-Arts et une autre plus réformatrice et progressiste. Patrick Bardou et Varoujan Arzoumanian racontent ensuite leur voyage aux États-Unis, Canada et Mexique, à la rencontre d'architectes, de lieux et de pratiques souvent alternatives, dans une approche pragmatique : au Québec, à Université McGill de Montréal, au laboratoire New Alchemy dans le nord des États-Unis, à Boston, etc. Ils s'intéressent aux maisons solaires du Nouveau-Mexique, à l'habitat vernaculaire, vont à la rencontre du peuple indien ou de la communauté nommée Drop City. Au cours du voyage, leurs points de contact sont les écoles d'architecture, qui leur facilitent les rencontres opportunes. Ils tiennent un journal de comptes et un journal de bord sur lequel ils consignent tout ce qu'ils font. Ils prennent beaucoup de photographies – ils partent avec 70 pellicules - pour 2/3 en pellicule noir et blanc et 1/3 en couleurs - et réalisent un relevé d'informations pour chaque photographie. Patrick Bardou dit être déjà conscient de la surconsommation dans tous les domaines. Avec Varoujan Arzoumanian ils rencontrent des personnes toutes impliquées personnellement dans la recherche d'un autre mode de vie. C'est un voyage de recherche de propositions formelles, de solutions techniques et d'idées nouvelles. Ils estiment que le voyage est une étape indispensable dans la formation d'un étudiant. À leur retour à Marseille, ils expliquent pourquoi ils choisissent de poursuivre leurs études au sein du laboratoire Architecture Bioclimatique et Constructions (ABC), co-créé en 1970 par l'architecte Roger Dabat. Ils soutiennent leur diplôme à quatre mains en 1978, sur un projet commun, après avoir publié leur premier livre intitulé Archi de terre la même année. Le second ouvrage qu'ils publient, intitulé Archi de soleil est un condensé de leur thèse. Ils rappellent qu'à leur retour de voyage, ils ont poursuivi les échanges avec les personnes rencontrées et les autres, réunissant ainsi une vaste documentation, qui a été donnée au laboratoire ABC. La publication de Archi de terre a été motivée par le fort intérêt qu'ils ont suscité sur leurs découvertes et apprentissages au cours de leur voyage et dont ils avaient fait au préalable une synthèse sous forme de polycopies. Ils reviennent en détails sur les questionnements qui sous-tendent l'ouvrage Archi de soleil puis sur leur décision contextuelle de poursuivre leur activité d'édition en éditant d'abord certains de leurs professeurs. Ils soulignent l'importance de toujours être en veille vis-à-vis de l'actualité architecturale, afin d'être à l'avant-garde. En sus de l'activité d'éditeurs privés, les témoins travaillent, à partir de 1983 (ndlr : jusqu'en 1997 environ), pour le ministère de la culture, à la production de la revue Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine, dans le cadre des Commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA). Ils décrivent les interactions entre le Bureau de la recherche architecturale (BRA), les chercheurs et les éditeurs. Au fil du temps, la maison d'édition Parenthèses est de plus en plus considérée comme spécialisée dans la recherche en architecture, jusqu'à aujourd'hui où elle a publié nombre de travaux issus de thèses en architecture. C'est un travail s'apparente à celui des Presses universitaires de France, mais est très apprécié par les chercheurs en architecture, pour leur travail éditorial de relecture, d'enrichissement iconographique et de présentation. Varoujan Arzoumanian et Patrick Bardou reviennent ensuite sur le marché qu'ils peuvent toucher puis sur l'image qu'ils avaient, d'une maison d'édition tournée vers l'écologie, à une époque où ce n'était pas la tendance. Cela leur a rendu difficile, dans un premier temps, l'accès à la publication d'autres auteurs, en dehors de ce champ. Ils évoquent ensuite successivement quelques étapes de leur parcours d'éditeurs : en 1983 les Cahiers de la recherche, puis des monographies et des traductions (la première étant la biographie de l’architecte Aldo Rossi traduit à partir de l'américain, car non publiée en Italie). L'intention pédagogique était un critère de choix pour les ouvrages à publier, que ce soit sous forme de manuels, de formats de poche (collection Eupalinos) ou d’import de livres étrangers. Ils suivaient également l'air du temps en écoutant les demandes des clients à l'époque où ils avaient une librairie au sein de leurs bureaux, entre 1984 et 1987, demandant même leur avis sur des maquettes de couverture des futures publications. Leur librairie, qui était comparée à la librairie La Hune, à Paris, proposait des ouvrages sur la musique, le cinéma, la photographie, les beaux-arts, l'art contemporain et l’architecture. La pauvreté et la complexité de leurs liens avec les écoles d'architecture sont ensuite évoqués ainsi que leur travail en lien avec le ministère de la Transition écologique et la publication des architectes lauréats des Grands prix de l'urbanisme. Les témoins racontent ensuite le travail réalisé en lien avec le BRA pour la publication du livre Le Couvent de la Tourette (Le Corbusier) de Sergio Ferro, Chériff Kebbal, Philippe Potié et Cyrille Simonnet, dans la collection Monographies d’architecture, paru en 1988. Les témoins décrivent cette collection qui est basée sur des travaux de chercheurs. Ceux-ci sont tenus de suivre un cahier des charges assez contraignant, ce qui a induit à ne publier qu'un petit nombre d'ouvrages dans cette collection. Sur le même principe, ils avaient également développé un projet éditorial en partenariat avec l'ORSTOM, pour une collection intitulée Architecture traditionnelle et dont l'objet était l'analyse des architectures traditionnelles du monde entier. Les livres sur les auto-constructeurs ont en revanche eu du succès auprès du grand public (il cite Homework, Maisons à construire de Lloyd Kahn, paru en 2006. Les enquêtrices demandent ensuite aux témoins comment ils se situent parmi les éditeurs qui occupent le même marché. Ils citent la très belle offre des éditions Mardaga. Ils analysent que leur spécificité provient de leur statut d'architecte, de l'intérêt qu'ils ont porté toute leur vie à l'architecture, de la richesse et du développement continu de leur catalogue dans cette discipline et du fait que tout le processus est réalisé au sein de la maison d'édition. Ils publient une quinzaine d’ouvrages par an en architecture mais idéalement, ils auraient souhaité en publier davantage. Ils soulignent l'importance qu'ils donnent aux images d'archives. Un échange se déroule à propos des relations entre les auteurs et les éditeurs, à propos de l'importance d'échanger. Ils regrettent que parfois, les photographes ou les architectes aient des idées trop arrêtées sur le travail d'édition. Toutes les personnes en présence conviennent d'un « âge d'or de la recherche », dans les années 1980. Les témoins reviennent sur la question des collections au sein de la maison d'édition Parenthèses, expliquant qu'il peut s'avérer difficile de les faire vivre, donnant l'exemple de celle citée précédemment, nommée Monographies d'architecture qui n'a pas pu être suffisamment alimentée. Les témoins citent deux collections des éditions Parenthèses : Eupalinos et Architectures, au sein desquelles chaque sujet amène à une forme spécifique. Puis ils citent les collections Paysages, Grand prix de l'urbanisme ou des ensembles d'ouvrages qui ne portent pas de titre de collection, comme par exemple les écrits des architectes Alvar Aalto ou Alvaro Siza. Sollicités sur le nombre d’ouvrages publiés, les témoins l'évaluent autour de 600 titres. Un échange s'amorce à propos des ouvrages Archi de terre et Archi de Soleil et notamment sur le fait de n'avoir jamais republié ces ouvrages. Après avoir cerné le sujet par le qualificatif de dépassé, c'est l'occasion de développer le contenu de ces deux livres, d'en montrer l'aspect historique et de se projeter dans la réalisation d'un futur livre narratif sur cette histoire. Approchant de la fin de l'entretien, l'enquêtrice propose à chacun des témoins de citer cinq livres qui les ont marqués. Les témoins s'exécutent en expliquant les raisons de leurs choix, liés à la personnalité et/ou à la relation entretenue avec les auteurs et racontent les circonstances de fabrication de ces livres. Varoujan Arzoumanian cite des ouvrages dont il dit qu'il pourrait les refaire à l'identique aujourd'hui. Il énumère ainsi : Imaginer l’évidence de Álvaro Siza (2003), André Ravéreau, l’atelier du désert sous la direction de Rémi Baudouï, Philippe Potié (2012), Musique de l'architecture de Iannis Xenakis (2006), Les desseins d’un architecte de Claude Parent (2022) et Le prolétariat ne se promène pas nu d'Elisabeth Essaïan (2021). Patrick Bardou cite les titres suivants : Histoire de la ville de Leonardo Benevolo, traduit de l'italien par Catherine Peyre (1983), Rire pour ne pas pleurer, le noir dans l’Amérique blanche de Jean-Paul Levet (2002), Le géographe dans la ville de Marcel Roncayolo, avec Sophie Bertran de Balanda (2016), Marseille, ville & port sous la direction de Jean-Lucien Bonillo, René Borruey, Jean-Denis Espinas et Antoine Picon (1992) , New-York délire : un manifeste rétroactif pour Manhattan de Rem Koolhaas (2002) et Rodtchenko photographe, la révolution dans l'oeil de Alexandre Lavrentiev, Varvara Rodtchenko et Olga Sviblova (2007). Les deux éditeurs se souviennent également des difficultés rencontrées dans leur travail, en termes de temps nécessaire à la conception d'un livre, parfois très long, et d'occasionnelles déconvenues. Tout au long de l'entretien, ils donnent de nombreux détails sur les sujets évoqués et citent de nombreuses personnalités avec lesquelles ils ont été en interaction.

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