27 août 2023
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Enquêtes orales enregistrées avec des créateur·trices·s ou des gestionnaires de fonds d'archives ou de bibliothèques au Proche-Orient : Jordanie, Liban, Syrie [Fonds ou collection]
« Une universitaire libanaise revient sur son parcours de recherche en insistant sur sa découverte de l’histoire orale et son usage », Archives de la recherche & Phonothèque MMSH dans Calames
Liliane Kfoury est enregistrée par Véronique Ginouvès dans son bureau à l’université Saint-Joseph. Elle débute l’entretien en qualifiant les débuts de son parcours professionnel « d’hasardeux. » En effet, elle a suivi tout d’abord des études de décoration d’intérieur avant de bifurquer vers le monde académique et de s’inscrire en thèse d’histoire sociale et économique à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Son sujet porte sur le commerce international au début du 20e siècle au Mont Liban et elle soutient en 1995. Pendant la guerre civile libanaise, Liliane poursuit une partie de ses études en France. Elle est sans doute la dernière génération à être inscrite à l’École des Lettres ; elle y a suivi des cours avec Michel Seurat. Elle cite Sélim Abou, Mounir Chamoun et le professeur sociologue M. Haddad qui mettent en place la Faculté de Lettres de l’Université Saint-Joseph, dont les cours ne commenceront qu’en 1977. Elle va y travailler à partir de 2001. L’université se construit sur les décombres d’une ancienne maternité. Au cours de l’entretien Liliane Kfoury raconte comment l’histoire orale devenue sa méthode de travail. Elle est d’abord inspirée par les récits de sa grand-mère sur l’empire ottoman. Elle se décide à enregistrer ses histoires puis mène des entretiens dans son village pour approfondir ses recherches. Ce travail d’enquête va soulever l’importance de la sauvegarde et la conservation des ressources, exacerbé par cette période de guerre civile. Bien que l’enregistrement de témoignages ne soit pas une pratique popularisée à son époque, elle ressent intuitivement l’importance de cette démarche. Et même si la discipline historique à l’inverse des sciences sociales critique l’oralité, considérée comme non objective, Liliane Kfoury poursuit dans cette voie, bien qu’elle n’ait jamais suivi de cours sur les techniques d’enregistrement ou sur la méthode de l’histoire orale. Elle propose alors un projet au conseil de la recherche de l’université, qui est soutenu, et répond à des appels d’offre PHC CEDRE sur le thème du passage des frontières. Ce projet englobe les témoignages de Syrien·ne·s, Égyptien·ne·s et Palestinien·ne.·s, en collaboration avec une unité de recherche sur la mémoire, dirigée par Christian Décobert au Centre d’Études Interdisciplinaires des Faits Religieux (CEIFR). Elle souligne la complexité du droit de la nationalité au Liban, notamment concernant les Palestinien·ne·s, pour qui l’obtention de la nationalité libanaise pourrait signifier la perte du droit de retour. Sa méthode de recherche repose sur des récits semi-dirigés, laissant beaucoup de liberté aux témoins qui, majoritairement, acceptent d’être enregistrés. Elle attache une grande importance à la transcription complète des enregistrements, qu’elle partage avec les témoins. Certaines de ces transcriptions ont d’ailleurs pu être ré-utilisées par d’autres chercheur·e·s. Elle détaille le projet de Carmen Hassoun Abou Jaoudé et de l’association « Act for the Disappeared », qui tente de d’accéder à l’histoire contemporaine du Liban, souvent taboue dans les écoles. Dans ce cadre, des jeunes à la recherche de leur passé, ont enregistré les témoignages de leurs parents sur la guerre civile. Une centaine d’enquêtes provenant d’écoles privées et publiques ont été réalisées et archivées dans les écoles et sur un site internet. Au sein d’une association d’aide aux personnes âgées, elle rencontre des témoins qui acceptent de témoigner sur leur départ de Palestine. Elle insiste sur le fait qu’elle a pu réaliser toutes ces enquêtes parce que son statut lui donne une certaine liberté parce qu’elle exercait comme chercheure et non pas comme enseignante. L’entretien se termine par un bref commentaire de Véronique Ginouvès sur la phonothèque de la MMSH et le signalement de trois fonds d’archives sonores en lien avec le Liban : l’histoire de l’Ifpo, les entretiens enregistrés par Jean Métral à Beyrouth en 1975, et les enregistrements de Michel Seurat entre 1979 à 1985. Toutes les deux souhaitent poursuivre leurs échanges autour de la source orale et de valoriser au mieux les archives sonores qui portent sur le Liban.