2007
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Jennifer Heuer et al., « « Réduit à désirer la mort d'une femme qui peut-être lui a sauvé la vie » ; la conscription et les liens du mariage sous Napoléon », Annales historiques de la Révolution française, ID : 10.3406/ahrf.2007.3246
Sous le règne de Napoléon, certains hommes et femmes ne se sont mariés que pour échapper à la conscription. Ces couples étaient souvent mal assortis : des jeunes gens liés avec des septuagénaires ou même des octogénaires, parfois avec des folles ou des épileptiques, des filles encore chez leurs parents mais unies officiellement avec leurs voisins. Presque tous ont envisagé de divorcer après la paix. Or, les lois de la Restauration, surtout l'abolition du divorce, les unissaient plus sérieusement et peut-être pour toujours. Cet article est fondé sur une cinquantaine de pétitions écrites entre 1814 et 1820, dans l'espoir de rompre ces mariages légaux mais fictifs. Ces pétitions nous aident à mieux comprendre le phénomène de résistance à l'État ; elles révèlent les stratagèmes délibérément cachés aux autorités napoléoniennes. De plus, elles permettent de voir les arguments choisis afin de convaincre ou d'émouvoir les nouvelles autorités, et d'associer les crimes de « l'usurpateur » dans le champ politique et militaire avec le désordre domestique. Elles suggèrent souvent les limites de la loi par exemple dans le cas d'un homme amoureux d'une femme qui était théoriquement - après son mariage blanc avec une vieille dame pour se soustraire à la conscription - sa propre petite-fille. Considérées avec certains cas évoqués devant les tribunaux, ces pétitions révèlent aussi les limites d'une histoire de la famille écrite à partir des prescriptions du Code civil, sans considérer les effets sociaux de deux décennies de guerre.