« Réduit à désirer la mort d'une femme qui peut-être lui a sauvé la vie » ; la conscription et les liens du mariage sous Napoléon

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2007

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Résumé En Fr

Jennifer Heuer, « Compelled to hope for the death of a woman who may have saved one's life » : conscription and marriage bonds under Napoleon. During the Napoleonic era, many couples married simply so that the man could avoid conscription. These couples were often wildly mismatched ; young men wed women who were in their seventies or eighties, or who were sometimes deranged or epileptic. Girls who still lived with their parents were officially united with their neighbors. Almost all imagined that they would divorce when peace arrived. But the laws of the Restoration, especially the abolition of divorce, left couples potentially bound together permanently. This article is based on a series of petitions written between 1814 and 1820 in the hopes of breaking these fictive, but legally binding, marriages. These petitions illuminate resistance to the state by revealing strategies that were deliberately hidden from the Napoleonic authorities. They also show the arguments petitioners used to convince new authorities of the injustice of their fate and to associate the political and military crimes of the « usurper » with domestic disorder. They reveal the legal conundrums created by such marriages, like the case of a man in love with a woman who after his paper marriage to an old woman to escape conscription- was technically his own granddaughter. Considered together with court cases, these petitions show that it is insufficient to write a history of the family based on the prescriptions of the Civil Code, without also considering the effects of two decades of war.

Sous le règne de Napoléon, certains hommes et femmes ne se sont mariés que pour échapper à la conscription. Ces couples étaient souvent mal assortis : des jeunes gens liés avec des septuagénaires ou même des octogénaires, parfois avec des folles ou des épileptiques, des filles encore chez leurs parents mais unies officiellement avec leurs voisins. Presque tous ont envisagé de divorcer après la paix. Or, les lois de la Restauration, surtout l'abolition du divorce, les unissaient plus sérieusement et peut-être pour toujours. Cet article est fondé sur une cinquantaine de pétitions écrites entre 1814 et 1820, dans l'espoir de rompre ces mariages légaux mais fictifs. Ces pétitions nous aident à mieux comprendre le phénomène de résistance à l'État ; elles révèlent les stratagèmes délibérément cachés aux autorités napoléoniennes. De plus, elles permettent de voir les arguments choisis afin de convaincre ou d'émouvoir les nouvelles autorités, et d'associer les crimes de « l'usurpateur » dans le champ politique et militaire avec le désordre domestique. Elles suggèrent souvent les limites de la loi par exemple dans le cas d'un homme amoureux d'une femme qui était théoriquement - après son mariage blanc avec une vieille dame pour se soustraire à la conscription - sa propre petite-fille. Considérées avec certains cas évoqués devant les tribunaux, ces pétitions révèlent aussi les limites d'une histoire de la famille écrite à partir des prescriptions du Code civil, sans considérer les effets sociaux de deux décennies de guerre.

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