1988
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Jean Peyras et al., « Le lac Tritonis et les noms anciens du chott el Jérid », Antiquités africaines (documents), ID : 10.3406/antaf.1988.1150
Bien avant d'être au centre du débat suscité au siècle dernier par le projet de Mer intérieure saharienne, le problème de la localisation libyenne du lac Tritonis (ou Tritônitis) avait partagé les auteurs anciens eux-mêmes. Associé le plus souvent à la légende des Argonautes ou au culte d'une déesse indigène assimilée à Pallas, la baie ou le lac du Triton semblait appartenir à une géographie mythique plus qu'à la réalité. Toujours est-il qu'au gré des traditions géographiques grecques, plusieurs localisations étaient possibles et ce flottement a persisté jusqu'à l'époque romaine. Pour les uns (comme Strabon), l'hydronyme se trouvait d'abord en Cyrénaïque avant d'avoir été transféré — à tort — dans l'Extrême Occident avec le jardin des Hespérides. Pour d'autres, suivant une tradition représentée par Hérodote, l'emplacement du Triton devait être, comme l'a souligné Gsell, dans le golfe de Gabès. Mais les incohérences du « Pseudo-Scylax » ont donné à hésiter entre la côte du Byzacium et la Petite Syrte, tandis que, pour Pline influencé par deux traditions différentes, le Triton erre « entre les deux Syrtes ». Seul, finalement, Mêla (et peut-être Ptolémée) assigne au Triton une position intérieure qui peut correspondre à celle des grands chotts actuels, déjà sans communication avec la mer dans l'Antiquité. Cette vaste sebkha a reçu au demeurant divers autres noms dans l'Antiquité et au Moyen Age : au Lacus Salinarum d'Orose et au « passage difficile » (täkmert) des auteurs arabes, il faut ajouter désormais le nom libyco-berbère de MADD gravé sur le rocher de Kriz dans la dédicace à Silvain Mercure, protecteur des voyageurs qui traversaient le chott el Jérid. Madd — « lac » en libyque — était devenu le nom du chott el Jérid à l'époque romaine (Madd(en)s(is) lacus). L'hydronyme est formé sur la séquence consonantique md (m ou n, d tendu, géminé ou simple, signifiant des mots « lac », « marais », « mare » dans l'Antiquité et au Moyen Age, comme le montrent les lieux-dits Medd, Agelt Nmadi, Tamuda, Ager Tendi, Anda, Timida.