2019
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Yannick Fer, « Pourquoi la sociologie des religions n’a pas connu de « tournant affectif ». Émotions religieuses et récits disciplinaires / Why Sociology Did Not Undergo an « Affective Turn ». Religious Emotions and Disciplinary Narratives », ASDIWAL. Revue genevoise d'anthropologie et d'histoire des religions, ID : 10.3406/asdi.2019.1157
Le concept d’émotion fonctionne très largement, au sein de la sociologie des religions française, comme une prénotion subordonnée à des processus de (dis) qualification et de distinction. À distance du «tournant affectif » qui s’est affirmé en sciences sociales depuis les années 1990, cette sociologie repose sur des interprétations consacrées de quelques auteurs classiques qui relient étroitement la question de l’émotion religieuse à un ensemble de notions structurantes de la doxa de ce champ disciplinaire telles que l’autorité, l’institution, le charisme ou la modernité. Cet article s’appuie sur une relecture critique de ces interprétations et sur des enquêtes de terrain portant sur les mouvements pentecôtistes-charismatiques. Il montre dans un premier temps en quoi la compréhension dominante des émotions au sein de la sociologie des religions participe à des rapports sociaux de domination : entre le champ académique (et la figure de l’intellectuel) classiquement associé à la raison et le champ religieux qui est décrit ; mais aussi au sein même des champs religieux concernés. Dans un second temps, il s’efforce d’indiquer en quoi une sociologie des émotions religieuses débarrassée du poids des effets de croyance, des enjeux de distinction et de la doxa académique, pourrait contribuer à l’analyse de processus sociaux plus larges, qui concernent notamment les relations de l’individu à l’institution, l’idéologie contemporaine de la «société de communication » (Neveu) ou les normes du contrôle de soi et le rapport au corps (Wouters).