2012
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Michael s. Falser, « The first plaster casts of Angkor for the French métropole: From the Mekong Mission 1866-1868, and the Universal Exhibition of 1867, to the Musée khmer of 1874 », Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, ID : 10.3406/befeo.2012.6152
Le temple khmer d'Angkor Vat, datant du XIIe siècle, a été montré à Paris pendant l'Exposition coloniale internationale de 1931, et décrit comme la plus grande reconstitution architecturale d'un bâtiment non-européen jamais construite sur le continent européen ; cette reconstitution a dès lors été présentée comme un chef-d'œuvre, selon le canon (occidental) de l'historiographie de l'art. Pourtant, les prémices de la carrière française de cette réplique dans les années 1860 et au début des années 1870 restent fort mal connues. Cet article vise principalement à mettre au jour les circonstances du transfert physique de ces gigantesques pièces architecturales à destination du public européen, par le biais de moulages en plâtre. Pour mieux conceptualiser ce qui a constitué le transfert symbolique d'un patrimoine culturel de l'Orient colonial vers le centre du pouvoir colonial français, nous utilisons le terme de « translation ». En regard de la prédominance des études de textes et d'images, les techniques de translation matérielle directe -tels les moulages en plâtre- ne sont que rarement discutées dans les études scientifiques, et l'importance de ces moulages dans le cadre de la politique coloniale n'a pas été analysée. Cet article explore l'hypothèse selon laquelle les moulages constituaient un puissant outil de translation aux mains de ceux qui voulaient s'approprier les fameux temples khmers pour représenter l'héritage colonial dans la métropole coloniale. Notre étude se concentre donc sur les cinq premières étapes du processus de la canonisation historique d'Angkor en Europe : 1) les premiers moulages d' Angor Vat effectués lors de l'expédition française du Mékong en 1866-1868 ; 2) l'intégration des moulages dans la « classification générale » de l'Exposition universelle de 1867 ; 3) l'exposition sur le mode pittoresque des moulages en plâtre « orientaux » dans le cadre de l'Exposition permanente des colonies ; 4) la première mission à Angkor explicitement dédiée au moulage, sous l'égide de Louis Delaporte en 1873 ; 5) à sa suite, la fondation du Musée khmer à Compiègne en 1874, premier du genre en Europe.