1974
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Emilio Harth-Terré, « El boto y los geoglifos de Nasca (Una contribución de la investigación estética en la arqueología) », Bulletin de l’Institut Français d’Études Andines, ID : 10.3406/bifea.1974.1448
Dans cette nouvelle contribution de la recherche esthétique à l'archéologie, l'auteur expose tout d'abord l'idée que l'art et la religion se confondent en une harmonie conjuguant le fondement métaphysique du rite et la plastique que celui-ci adopte ; les deux éléments se mêlent dans un propos mystérieux mais également éloquent. L'art, comme dépassement des énergies, trouve ici la possibilité de réaliser, au moyen de ce reste d'"énergie culturelle”, la forme qu'exige la signification du mythe. Cette manifestation n'est pas nécessairement plastique ; elle peut s'exprimer par des formes artistiques différentes, telles les danses, les chants ou les actes sportifs, dans des compétitions (comme dans 1'"agon" grec) se déroulant sur des espaces rigoureusement déterminés et consacrés à l'accomplissement des rites. Ce sont là les fondements du jugement critico-esthétique sur lequel s'appuie la thèse de l'auteur. L'astrologie (ou la religiosité, puisqu'il y a harmonie entre l'astre solaire et l'existence humaine) se conjugue à l'art et s'exprime dans les multiples et complexes tracés rectilignes de plusieurs kilomètres parfois, au côté d'autres dessins totémiques enchevêtrés et en relation avec les tracés. L'auteur fait référence aux études antérieures sur le sujet et analyse le "Rapport Hawkins", qui constitue l'apport scientifique le plus récent et attribue à ces tracés une date d’exécution entre 390 et 500 de l'ère chrétienne. Hawkins déclare que ces tracés "ne semblent pas avoir de signification astronomique" ; ainsi tend-il à rejoindre l'hypothèse ludique de l'auteur de ces lignes en y voyant des expressions sociales ou intervient le sens du jeu et du sport religieux. Parmi les nombreux glyphes totémiques figure celui de l'orque (Orea gladiator), déjà présent dans la céramique de la première phase culturelle "naturaliste", dont l'apogée se place durant la période correspondant au sous-style Nasca de Lumbreras (100-300 ap. JC.). L'auteur discute la possibilité d'erreurs de dessin, et donne cet exemple comme preuve d'un rite et non simple graphisme esthétique. D’accord avec des opinions autorisées, il en déduit le développement socio-politique du "génie" de Nasca, période durant laquelle, jusqu'à la disparition devant les invasions venues de la sierra (entre 500 et 600) on peut placer la réalisation de ce fameux "zodiaque". Se référant particulièrement à l'orque, l'auteur explique que, au cours des étapes de la culture Nasca, le dessin du cétacé sur la céramique passe par quatre phases déterminantes, depuis le naturalisme jusqu'au baroque. C'est durant cette dernière phase que le montagnard de Huari, ou de Tiahuanaco, le représente sous une forme décorative, capricieuse, pourvu d'attributs féroces, armé et tenant une tête-trophée. Il conclut que la fonction du calendrier — astronomique ou religieux — aurait duré seulement quatre siècles (300-700 ap. JC.), au cours desquels l'homme des pampas de Nasca se serait appliqué à dessiner sur le sol aride ces rayures mystérieuses et ces énigmatiques figures. Lorsque survient la crise sociale, quand l'irrigation est abandonnée et que s'appauvrissent les terres des grandes vallées de Ingenio, Rio Grande et Nasca, l'art de la céramique décline ; la religion et ses rituels déclinent également. Le "jeu" du Zodiaque, qui disparait durant le dernier siècle de cette étape culturelle, ne sert plus à rien puisque l'homme religieux a disparu et que les règles sont oubliées. Nasca disparut définitivement à la fin du XIe siècle. Cet article tente de maintenir l'esprit spéculatif des recherches scientifiques concernant ce "jeu", son utilité et son usage, quelle qu'ait été la finalité de son invention.