2014
Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.
Jimmy Linton, « Gestion et utilisation des éclats en silex du Grand-Pressigny au Néolithique final entre l’aire de production et le lac de Neuchâtel », Bulletin de la Société préhistorique française, ID : 10.3406/bspf.2014.14399
L’industrie lithique de la fin du Néolithique dans la région du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire), est essentiellement connue pour la production de grandes lames à partir des nucléus «livre de beurre » , et leur diffusion sur un large territoire. Rarement mis en valeur par les recherches sur le phénomène pressignien, on signale pourtant fréquemment la présence et l’utilisation d’éclats en silex du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny dans les assemblages du Néolithique final, aussi bien dans l’aire de production que dans l’aire de diffusion. L’ampleur de la diffusion des éclats, leur importance dans certains sites, leur production relativement standardisée, en grande quantité et intégrée à celle des grandes lames nous amènent à nous demander si nous n’avons pas minimisé leur rôle au sein du phénomène pressignien. Ce travail s’intéresse donc à l’utilisation et la gestion de ces éclats en silex du Grand-Pressigny et montre le potentiel heuristique de leur étude, pour la compréhension du phénomène pressignien et des assemblages lithiques de la fin du Néolithique. Il s’interroge aussi sur l’apport de la prise en compte des éclats importés pour comprendre la structuration des réseaux de diffusion et les modalités de gestion de l’outillage lithique. La circulation des éclats en silex du Grand-Pressigny s’inscrit dans un phénomène de transformation des industries lithiques au cours du troisième millénaire : les productions domestiques se simplifient au profit d’une gestion par la retouche soignée des produits importés. L’étude, qui ne prend en compte que les contextes domestiques, porte sur une zone qui s’étend de l’aire de production, dans la région de confluence entre la Claise et la Creuse, aux rives du lac de Neuchâtel en Suisse. Le travail se fonde sur les résultats de l’analyse techno-fonctionnelle de plusieurs centaines d’éclats en silex du Turonien supérieur issus d’ensembles de l’aire de production dans la région du Grand-Pressigny, et de 69 éclats en silex du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny provenant d’ensembles de l’aire de diffusion. Ils sont plus précisemment répartis entre sept ensembles lithiques dans la zone considérée et datés entre 2900 et 2400 av. J.-C. Mais l’analyse prend aussi en compte l’étude de deux autres ensembles dont les assemblages sont dénués d’éclats importés. Deux des ensembles étudiés se situent dans la région du Grand-Pressigny et documentent la gestion et l’utilisation des éclats au sein de l’aire de production ; les sept autres sont tous des sites récepteurs de l’aire de diffusion qui se situent à différentes étapes de la diffusion. Les résultats de cette étude montrent que dans l’aire de production, alors que les éclats sont des supports très disponibles, l’éventail des stigmates reconnus sur les outils sur éclats est relativement limité et semble correspondre à des activités spécifiques. Les outils sur éclat intègrent donc une stratégie de constitution de l’outillage qui met en avant une certaine complémentarité fonctionnelle des différents produits et sous-produits du débitage «livre de beurre » et de débitages plus simples ; nous sommes ici en présence d’une véritable économie du débitage, tel qu’avait été proposé le concept par M.-L. Inizan. Dans l’aire de diffusion, trois cas de figure ont été mis en évidence. Dans une aire de diffusion régionale, qui ne semble pas dépasser une distance de 150 km des ateliers, les éclats en silex du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny peuvent être les importations les plus nombreuses. L’exemple de la réserve d’éclats du Bournadiau est significatif de la gestion spécifique des produits pressigniens et elle signale une situation particulière du site au sein du réseau de diffusion. Dans l’aire de diffusion plus lointaine, les éclats peuvent représenter jusqu’à 50 % des importations pressigniennes. L’étude tracéologique montre alors qu’ils servent pour des activités et sur des matières d’oeuvre très variées au même titre que le reste de l’outillage. Les éclats importés peuvent alors faire l’objet d’une gestion sur le long terme par le biais de retouche des tranchants de la même façon que les poignards et les grandes lames. Dans l’aire de diffusion lointaine, on note toutefois l’absence d’éclats pressigniens au sein de certains assemblages, alors que les grandes lames importées sont nombreuses ; cette configuration marque, selon nous, une situation particulière du site en marge du flux principal d’approvisionnement régional en produits pressigniens.