2020
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Mark Gregory Pegg et al., « Le catharisme en questions : falsifiabilité, vérité historique et une nouvelle histoire du christianisme médiéval », Cahiers de Fanjeaux, ID : 10.3406/cafan.2020.2439
Les seules questions tournant autour du catharisme qui soient pourvues de signification, d’objet ou de crédibilité sont celles fondées sur le fait qu’il n’a jamais existé. Bien qu’il y ait encore des historiens qui semblent incapables de comprendre ce avec quoi ils sont instinctivement en désaccord, la majorité de ceux qui s’accrochent à l’épave historiographique du catharisme comprennent bien pour la plupart d’entre eux ce qui a fait couler l’embarcation en apparence insubmersible ; et pourtant, loin de tenter des contre-argumentations scientifiques, leur stratégie consiste en un travestissement volontaire des idées auxquelles ils s’opposent, l’adhésion à des approches médiocres, le recours inlassable au mantra selon lequel la façon dont il en a toujours été est celle dont il devrait toujours en aller, la présentation de contre-vérités comme des faits, le déplacement constant des poteaux de but de ce qu’il considèrent comme la preuve et même de ce qu’ils considèrent comme le «catharisme » et, ce qui est le plus déprimant, l’emploi d’arguments ad hominem. Ceci pourrait ressembler à une exagération injustifiée, trop dure pour être vraie, trop cabotine pour être honnête. Tel aurait peut-être été le cas il y a dix ans, il y a cinq ans même, mais plus maintenant. Que l’une des deux parties en présence argumente avec une si mauvaise foi constitue l’un des aspects les plus remarquables du débat dans son ensemble. C’est tout particulièrement le cas en ce qui concerne les historiens anglophones et dans une certaine mesure les germanophones, plus que les francophones. Plus remarquable encore est le fait que beaucoup, parmi les gens en cause, sont des historiens exceptionnels et admirables – mais pas quand il s’agit du catharisme. Il est extrêmement rare de dire sans réserve qu’un champ d’étude, demeuré axiomatique pendant plus d’un siècle, est erroné. Au lieu de nourrir un esprit de revanche et un populisme intellectuel criant à la fake new, une telle situation devrait plutôt susciter de l’émerveillement face aux nouvelles et excitantes possibilités historiographiques qu’elle implique. Si la plus célèbre des héré-sies médiévales est une fiction historiographique, alors tout ce que l’on a cru savoir sur l’hérésie et sur le christianisme au Moyen Âge doit être repensé et réécrit. Il ne s’agit pas de finasseries. Le caractère falsifiable du catharisme soulève de nombreuses questions, les moindres n’étant pas celles de savoir pourquoi tant d’excellents historiens s’accrochent toujours à cette erreur, de savoir ce qui définit en réalité une religion, de savoir ce qu’est l’histoire du christianisme sans les cathares, de savoir si l’histoire, en définitive, est une science, et, avec une actualité à la fois vitale et alarmante, de savoir ce qui constitue la vérité sur le passé, sans parler du présent. (Trad. fr. J. Théry)