1995
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Jean-Louis Guebourg, « Migrants et clandestins de la Grande Comore », Les Cahiers d'Outre-Mer, ID : 10.3406/caoum.1995.3566
L'émigration vers l'étranger est une constante grande-comorienne depuis la colonisation. Les migrants, autrefois dénommés «navigateurs », suite à leur emploi sur les grandes compagnies maritimes, représentent 10% des actifs comoriens. L'émigration fut orientée d' abord vers les ports français ; Zanzibar et Madagascar, ces deux dernières destinations se fermèrent respectivement en 1966 et 1976 dans des contextes difficiles. Indépendants depuis juillet 1975, les Grands-Comoriens ne peuvent plus s'installer dans leur ancienne métropole, la France, ainsi qu'à la Réunion ou à Mayotte, sauf en usant de subterfuges comme les mariages blancs ou l'achat de cartes d'identité mahoraises. Souvent clandestins, les immigrants grands-comoriens, dont le chiffre varie entre 50 et 100 000, vivent chichement dans les quartiers les plus précaires de la Réunion ou des grandes villes françaises. Les motivations de ces migrants, surtout masculins (67%), sont certes économiques et intellectuelles comme celles de leurs homologues africains, mais l'originalité de leur quête réside dans l'accumulation d'un capital pour honorer leurs coutumes, notamment le «grand mariage». Ceci justifie la prépondérance des Grands-Comoriens dans la communauté comorienne (80%) qui économisent durant cinq à dix ans, dans une grande discrétion et une atmosphère d'entraide. Les retours annuels de ces migrants, dénommés les «je viens de..», permettent le transfert de flux financiers informels, la célébration des coutumes, et suscitent l'admiration, voire l'envie, de leurs compatriotes demeurés au pays.