1999
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Robert Lafont, « Pour rendre à l'oc et aux Normands leur dû : genèse et premier développement de l'art épique gallo-roman », Cahiers de Civilisation Médiévale, ID : 10.3406/ccmed.1999.2751
Le déni d'existence d'une épopée médiévale d'oc a été prononcé de façon historiquement datable (entre 1865 et 1869) et idéologiquement définissable (le nationalisme français) dans la cadre d'une polémique des jeunes Paul Meyer et Gaston Paris avec l'école allemande. Il continue à enfermer la recherche contemporaine dans un refus « d'aller y voir ». Revenir sur l'interdit consiste d'abord à remplacer les théories trop larges sur l'origine de l'épopée par un étrécissement de la visée, limitée à ses lieux et conditions d'apparition. Ainsi se comble, par la filiation Sainte Foi - Roland occitan, la fameuse « lacune » dans la genèse du genre, et apparaît dans un dialogue occitano-normand la réalité du « métier d'Aquitaine » ou « de Tudèle », responsable de son premier essor. On reconnaît aussi l'importance du tournant du milieu du xie s., où les deux causes victorieuses, dans les affaires d'Europe et dans l'Église, la capétienne et la cistercienne, n'ont d'abord que ce « métier » pour s'exprimer. Ce n'est que vers la fin du XIIe et au XIIIe qu'une réfection des œuvres existantes et une écriture foisonnante, en diverses régions d'oïl, que devait servir la confection des grands manuscrits tardifs, construisent ce qu'on a appelé « épopée française », et recouvrent jusqu'à la rendre inconnaissable l'origine occitane de la chanson de geste, origine qui se prouve par ailleurs à l'analyse des textes ayant survécu.