2006
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Flocel Sabaté, « L'apparition du féodalisme dans la péninsule Ibérique. Etat de la recherche au commencement du XXIe siècle », Cahiers de Civilisation Médiévale, ID : 10.3406/ccmed.2006.2930
La revendication historiographique d'un modèle de féodalisme méditerranéen, dans les années 70 du XXIe s., s'est accompagnée de l'apparition sur scène du féodalisme hispanique. Depuis lors, l'évolution historiographique sur l'origine du féodalisme a été vertigineuse, suivant des rythmes et des contenus différents dans les trois domaines territoriaux. La thèse d'État de Pierre Bonnassie publiée en 1976 établissait pour la Catalogne un modèle mutationniste, où la violence des seigneurs contre les paysans, entre 1030/40 et 1060, conduisait la paysannerie à la servitude et les seigneurs aux relations féodo-vassaliques. Au cours des décennies suivantes, le modèle s'est fissuré à la suite des recherches sur les systèmes de parenté (Ruíz- Doménec), sur la violence (Gari, Bisson), sur le droit (Gouron, Iglesia), sur la paysannerie (Feliu, Freedmann), sur les châteaux (Riu) et sur la frontière (Sabaté). Il faut ajouter à l'amélioration interprétative une augmentation des publications de sources documentaires, facilitant le changement qui apparaît au XXIe s., avec des explications qui commencent par le processus de « châtellenisation » et de « seigneurialisation » du Xe s. et se concluent par leur établissement définitif au XIIe s. Par contre, en Navarre et en Aragon, le débat historiographique reste axé sur le mutationnisme orthodoxe de Larrea (1998) et sur le mutationnisme modéré de Laliena. Celui-ci, élaboré tout au long de la dernière décennie du XXe s., interprète une mutation non violente dans les tenures des honores vers 1020, l'établissement d'un État féodal dans les dernières décennies du XIe s. et le couronnement du féodalisme par l'occupation militaire de la vallée de l'Ebre au XIIe s. En Léon et en Castille l'opinion traditionnelle contraire à l'existence du féodalisme défendu par Claudio Sânchez Albornoz se brise dans les années 70 suite à la pondération de l'importance des sociétés préromaines, avec une vigueur étroitement liée au féodalisme (Barbero, Vigil). On cherche l'apparition du féodalisme dans les communautées villageoises (Garcia de Cortázar) touchées par la lutte des classes dérivée de l'agression seigneuriale externe (Estepa), par le courant interne très attaché à l'évolution de la frontière (Mînguez) ou par la hiérarchisation sociale interne (Alvarez Borge). La clé se situe dans l'immigration et dans la reprise du territoire (Martínez Sopena, Pena), sans oublier l'interprétation mutationniste orthodoxe (Pastor). Actuellement un nombre très élevé de jeunes chercheurs, en se basant sur l'analyse de la rare documentation et sur l'archéologie, s'accordent sur une vue progressive qui part de la crise du VIe s., accentuée par l'établissement de la frontière au VIIIe s., qui fait s'entendre les populations résiduelles et les nouveaux seigneurs en même temps que s'articule le territoire entre le IXe et le XIe s., et qui débouche sur des tensions résolues par l'affermissement institutionnel du féodalisme au XIe s. Cet ensemble historiographique constitue une recherche très innovante, bien que peu coordonnée entre les différents territoires.