1999
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Olivier Favereau, « Salaire, emploi et économie des conventions », Cahiers d'Économie Politique (documents), ID : 10.3406/cep.1999.1255
L'économie des conventions, en tant que programme de recherches, se propose de revenir sur la stricte séparation entre les questions de coordination, de rationalité et d'éthique, qui a porté le courant dominant, depuis un siècle. En rationalité limitée, les règles sont un vecteur essentiel de la coordination. Une part non négligeable de ces règles consiste en conventions (dont une caractérisation restrictive a été fournie par le philosophe américain David Lewis) mais l'incomplétude qui frappe la plupart des règles nécessite le recours à des représentations sur le type de collectif associé à leur application correcte. L'accord sur ces représentations étant de l'ordre d'un phénomène conventionnel, les conventions présentent donc un caractère de très haute généralité, en économie. Sur un plan micro-économique, les salaires résultent de règles. Sont-ce pour autant des règles conventionnelles ? De nombreux auteurs ont exploité l'idée que le montant du salaire faisait l'objet d'une convention. Cette idée se heurte à des obstacles insurmontables. La relation avec les conventions se situe à un autre niveau. Toute entreprise, quel que soit son modèle de gestion, repose sur un quasi-pacte social, articulant dynamiques des salaires et de la productivité, et c'est à la lumière de ce pacte conventionnel que sont interprétées les règles salariales, empiriquement fort diverses. Trois modèles purs d'entreprise (marchand, industriel, domestique), ou trois « équilibres conventionnels dynamiques », sont définis. Ils correspondent à trois profils de relation emploi-salaire, décroissant, plat, croissant. Sur un plan macro-économique, la diversité des relations emploi-salaire au niveau des entreprises explique le fait que l'évolution des salaires réels est un très mauvais prédicteur de l'évolution de l'emploi -à la différence du taux de croissance de la demande globale. La supériorité de ce dernier indicateur résulte du système de paris sur lequel s'appuie chaque entreprise, joint à l'identité qui contraint la variation des grandeurs macro-économiques. La notion de macroéquilibre dynamique qu'appelle l'économie des conventions se scinde en deux : dans la courte période, la constance du taux de chômage et celle du taux d'intérêt, pour des valeurs variées de l'un et de l'autre, renvoient à la possibilité néo-keynésienne d'équilibres multiples ; à long terme, on parlera d'« équilibre de règles » quand l'application des règles de révision des transactions cantonne la séquence des « équilibres dynamiques de courte période», dans une zone qui ne remet pas en cause la caractérisation de la conjoncture « normale », notamment au regard de l'objectif du plein emploi.