Un théâtre sans acteurs : l'enlèvement de Hanns Martin Schleyer par la Fraction Armée Rouge

Résumé En Fr

On the 5th of September 1977, Hanns Martin Schleyer, head of the German Confederation of Employer's Associations and former SS member was kidnapped by the Red Army Faction. This kidnapping was the point of departure for what is usually referred to as the "German Autumn". Since 1977, this important episode in German contemporary history has become the main subject of many audiovisual treatments that attest to the progressive reduction and transformation of an event into some rare symbolic images. This article intends to reflect on the role played by one of these images : a photograph of the kidnapping scene of Hanns Martin Schleyer. This is a striking picture since no dead body is shown, emphasizing that this episode was a (non)event that the media can only document after the fact. Animated by a «dynamic of visual frustration», this image has activated a vast system of semantic filling and reinvestment in which the news, documentary cinema, video art, and the representations produced by the terrorists have become inextricably entangled.

Le 5 septembre 1977 , un commando de la Fraction Armée Rouge enlève le patron des patrons allemands et ancien SS Hanns Martin Schleyer. Cette prise d'otage constitue le point de départ de l'Automne Allemand, qui se soldera par l'assassinat de l'otage et le suicide des têtes pensantes de la Bande à Baader. Depuis 1977, l'Automne Allemand fait l'objet de nombreux traitements audiovisuels qui témoignent de la réduction progressive des événements à quelques images emblématiques. Cet article ambitionne d'analyser le rôle central joué par une de ces images, la photo du lieu de l'enlèvement de Hanns Martin Schleyer, un décor sans corps que les médias ne peuvent, nécessairement, filmer qu'après le déroulement de l'événement. Agissant comme un formidable producteur de vide et d'absence, cette photo puise son potentiel dramatique dans une dynamique de la frustration visuelle et de la (re-)charge fantasmatique qu'elle autorise. L'image déclenche ainsi une vaste entreprise de «remplissage» et de réinvestissement sémantique dans laquelle les journaux télévisés, le cinéma documentaire, l'art vidéo, et les représentations produites par les terroristes s'entremêlent inextricablement.