Entre Boukhara et la Moyenne-Volga : `Abd an-Nasîr al-Qûrsâwî (1776-1812) en conflit avec les oulémas traditionalistes

Résumé En Fr

Michael Kemper, From Bukhara to the Middle Volga: the fight of Abd an-Naşîr al-Qûrşâwî (1 776-1812) against the traditionalist ulemas. For centuries after the conquest of Kazan by Ivan IV the Terrible, the great medresseh of Bukhara played a leading part in the transmission of Islam in the Volga-Ural region among the Tatar Muslim community that had been enduring incessant christianization campaigns launched by the Russian State. It is most likely from those Bukharan medresseh that, at the turn of the eighteenth-nineteenth century, were propagated the teachings of Ahmad Sirhindî, an Indian reformer of the Naqshbandtyah fraternal order claiming the return to strict obedience to the Qur'ân and sunnah, and opposing against ecstatic sufism its will to restore the Sharřah law. Those teachings had a major impact on the formation and activities of Abd an-Naşîr al-Qûrşâwî, first in Bukhara and then in the Tatar area. His works as a Kazan ulema were thoroughly aimed at restoring ijtihâd (the effort to comprehend the true terms of the Sharicah) and breaking-away from taqlid, i.e. literal imitation of the commentators. In the second part of the nineteenth century, Qûrsâwî 's views were widely circulated throughout Central-Asian Islam by Sihâb ad-Din al-Manani's works. A leading Tatar theologian, the latter remained influential until secularization gained grounds within the Tatar society in the first decades of the twentieth century.

Michael Kemper, Entre Boukhara et la Moyenne-Volga : AAbd an-Naşîr al-Qûrşâwî (1776- 1812) en conflit avec les oulémas traditionalistes. Pendant les siècles qui suivirent la conquête de Kazan par Ivan le Terrible, les grandes madrasa de Boukhara jouèrent un rôle central dans la transmission du savoir islamique dans la communauté tatare musulmane de la région Volga-Oural, désormais soumise aux campagnes de christianisation menées par l'État russe. C'est à partir des madrasa boukhares que semble s'être transmis au monde tatar, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, l'enseignement ď Ahmad Sirhindî, réformateur indien de la confrérie Naqšbandiya qui postulait le retour à une stricte observance du Coran et de la Sunna en opposant une volonté de restauration de la cha- ria à la tradition du soufisme extatique. Cet easeignement eut une influence capitale sur la formation et l'activité à Boukhara puis en Tatarie de cAbd an-Nasîr al-Qûrsâwî, ouléma de Kazan dont toute l'œuvre est centrée sur le retour à l'interprétation (iğtihâd) directe des sources premières de l'islam et la rupture avec le taqlîd (imitation littérale des commentateurs). Dans la seconde moitié du xixe siècle, les idées de Qûrsâwî bénéficièrent d'une très grande diffusion dans tout l'Islam centrasiatique grâce aux travaux du grand théologien tatar Sihâb ad-Dîn al- Margânî (1818-1889), dont l'influence resta prépondérante jusqu'à la sécularisation progressive de la société tatare, dans les premières décennies du XXe siècle.