1999
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Jean-Claude Jugon, « Pour un zeste de sang zen », Ebisu - Études Japonaises, ID : 10.3406/ebisu.1999.1018
Nous tentons dans cet article une réflexion sur la psychologie de l'expérience religieuse à partir de l'enseignement du Zen. Comme la vie légendaire du Bouddha le suggère, une des conditions de l'Illumination est de sortir du temps cyclique « maternel » (temps karmique) pour retrouver le « temps du Père » (vectoriel), inconnaissable, d'avant la Création. Les trois choix fondamentaux du Bouddha (la sortie du palais, l'arrêt du jeûne et l'ajournement de l'entrée en Nirvana) indiquent que dans la logique du vivant tout n'est pas réversible. Les notions de Dhyâna et Praiftâ révèlent que le Zen consiste à obtenir au niveau de l'expérience sensible, la « révélation de ce qui demeure éternellement jeune ». Hui-Neng, 6e patriarche et emblème de l'école subitiste, affirme que le Zen (Chan en chinois) consiste à voir notre « visage originel avant la naissance » (c'est-à-dire avant l'existence du monde) mais il ne rejette pas ce monde comme étant une pure illusion puisqu'il participe de la nature du Bouddha. D'un point de vue psychologique, le Satori est une expérience de « lâcher prise » du Moi sur lui-même et sur la réalité pour laisser advenir la spontanéité, en principe naturelle, de Prajfiâ, afin de la faire exister au titre d'une « preuve concrète » de la Vérité dans le champ limité de la conscience quotidienne. L'homme occidental qui pratiquerait trop sérieusement le Zen en rejetant la tradition religieuse de ses ancêtres court le risque de s'égarer dans la « pacification du mental » et s^xpose au danger d'une « perte d'âme », car il se coupe de sa sensibilité profonde et de son vécu émotionnel alors que ceux-ci constituent le fondement même de l'expérience zen.