1996
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Isabelle Robinet, « Une lecture du Zhuangzi », Études chinoises. 漢學研究, ID : 10.3406/etchi.1996.1244
Isabelle Robinet : Une lecture du Zhuangzi. Partant d'une rapide comparaison entre différentes lectures contemporaines de Zhuang zi par les chercheurs occidentaux (Schwartz, Graham, Hansen, Billeter, Jullien), cet article se propose de montrer que la conscience multidimensionnelle dont ils parlent et dont traite Zhuang zi n'est pas l'état originaire d'indifférenciation qu'évoque aussi Zhuang zi. Celui-ci est le Vide (ou le Wu, non-existence) absolument et à jamais indéterminé, qui n'est pas le wu déterminé par le you (existence) dont il est le corrélat. Ce que manifeste le you, c'est l'impossibilité absolue de manifester le «ce par quoi» il prend forme, qui demeure invisible au sein de toute manifestation, car c'est l'essence même de celle-ci. La conscience, même multidimensionnelle, reste au plan mondain et ne peut saisir tout au plus que l'instant où le you apparaît, ce qu'enseignent à faire le taoïsme et le bouddhisme. Le Saint, miroir du monde, ne reflète pas la vérité ultime, mais le monde qui a forme. La maîtrise qui conduit à la spontanéité telle que Zhuang zi la met en scène peut être comprise comme une intégration de l'apprentissage si parfaite que celui-ci peut être oublié (Bateson). L'état originaire de coïncidence avec sa propre puissance de vie et celle de tous les êtres ne peut être saisi, car il disparaît aussitôt que saisi, mais il est à l 'œuvre en chaque instant. C'est pourquoi, bien que continûment présent en toute chose, il est situé métaphoriquement dans un passé hypothétique ou dans un futur perpétuel. Des rapprochements sont faits avec le bouddhisme, l'alchimie intérieure taoïste, les scolastiques et mystiques chrétiens, et des philosophes contemporains (Bateson, Merleau-Ponty, Morin, Meslin).