1997
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Nicolas Zufferey, « Le Premier Empereur et les lettrés. L'exécution de 212 avant J.-C », Études chinoises. 漢學研究, ID : 10.3406/etchi.1997.1255
Nicolas Zufferey : Le Premier Empereur et les lettrés. L'exécution de 212 avant J.-C. Le sévere Premier Empereur (r. 221-210) de la dynastie Qin fut considéré par la tradition comme l'archétype du monarque anticonfucianiste : en furent donnés pour preuve l'autodafé des livres en 213 avant J.-C. et l'exécution des «lettrés» l'année suivante, deux événements rassemblés par la postérité dans la fameuse expression fen shu keng ru. L'exécution de 212, cependant, paraît n'avoir que peu de rapports avec le présumé anticonfucianisme de ce souverain. Les victimes de cette exécution furent bien plutôt les «magiciens» (fangshi), qui avaient trompé le Premier Empereur, que des «lettrés confucianistes» (ru). On constate en effet que bien des lettrés survivent à l'exécution, que le souverain les consulte encore après celle-ci ; et, surtout, que les auteurs du début des Han ne mentionnent aucune exécution de lettrés durant la dynastie Qin. Cette légende des lettrés martyrs fut peut-être une création de la postérité, dans le but de noircir un souverain réputé peu favorable aux idéaux confucianistes. Mais la formation de la légende fut sans doute favorisée par le flou des appellations : entre des ru qui s'occupent volontiers de rites religieux, d'astrologie, voire de divination, et des «magiciens » qui paraissent à l'occasion endosser les habits du confucianisme, la démarcation n'était pas nette. Le mot ru est susceptible de recouvrir des acceptions très variées en Chine ancienne et, dans l'expression fen shu keng ru, il convient sans doute de le comprendre dans un sens très large.