2017
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Rémi Mathieu, « Song Yu 宋玉 et la naissance de la poésie érotique en Chine », Études chinoises. 漢學研究, ID : 10.3406/etchi.2017.1604
Song Yu 宋 玉 (~ 332-~ 284 ou ~ 298-~ 222) passe pour le plus remarquable héritier de Qu Yuan 屈 原 (~ 343-~ 279). De fort nombreuses «rhapsodies» , fu 賦 , lui sont attribuées par les anthologies littéraires et les histoires dynastiques. Même si la paternité de nombre d’entre elles a été remise en cause, on s’accorde aujourd’hui à y voir la patte et le style de ce grand poète tenu dans l’ombre du maître immortel que fut Qu Yuan de Chu 楚 . Le personnage passait pour fort porté sur la gent féminine et disposer d’un indiscutable talent poétique. Son épicurisme le porta à dénoncer l’hypocrisie des confucianistes en matière de relations érotiques, comme dans la rhapsodie écrite sur maître Dengtu. Mais surtout, Song Yu est le premier à traiter la question des rapports sexuels de façon si directe en évoquant clairement le désir non seulement chez les hommes mais chez les femmes. À travers des pièces aussi novatrices que le Gaotang fu 高 唐 賦 , le Shennü fu 神 女 賦 et tant de poèmes en prose, Song Yu se met en scène et exprime la complexité des relations entre prince et courtisan, ainsi que les manifestations explicites du désir érotique féminin qui précèdent les jeux «de nuages et de pluie» (expression fameuse dont il est l’impérissable auteur). Avec lui naît la poésie érotique proprement dite, celle qui peint les corps, les manoeuvres d’approche de la séduction et l’union sexuelle, autant que la morale de l’époque le permettait. La longue lignée des poètes de fu des Han et des Six Dynasties, puis celle des Tang, lui rendra l’hommage qui lui était dû à ce titre et à tant d’autres, comme étant l’un des tout premiers poètes de la Chine préimpériale.