Allahs Netze: ʽArabfaqīhs Futūḥ al-Ḥabaša als Quelle für Netzwerkanalysen

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2001

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Franz-Christoph Muth, « Allahs Netze: ʽArabfaqīhs Futūḥ al-Ḥabaša als Quelle für Netzwerkanalysen », Annales d'Éthiopie, ID : 10.3406/ethio.2001.993


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Résumé En Fr

: This article presents a prosopographie analysis of the Futûh al- Habasa by 'Arabfaqïh, which relates the war led by Ahmad Gran against Christian Ethiopia between the beginning of the XVIth century and 1547. It allows to capture several categories among hundreds of people and groups cited in the text, and to understand the relationships between them in terms of networks.

: II faut comprendre les analyses présentées dans cet article comme un moyen de mettre au jour la signification et l'utilisation des sources historiques comme base de données pour les recherches relatives aux réseaux de relations entre individus. Le point de départ en est le Futûh al-Habasa, rédigé par le chroniqueur (Arabfaqïh qui, contemporain des événements, a livré une description souvent très détaillée de la conquête presque réussie de l'Ethiopie, du début du XVIe siècle à 1547, par l'Imam Ahmad b. Ibrahim al Gâzï de Harar, nommé Grafi, le "gaucher". À partir de cette source historique, il est en effet possible de décanter des données hautement significatives à l'aide desquelles des relations de réseaux personnels peuvent être reconstruites. Ce faisant, ces matériaux peuvent permettre de mettre en évidence des modèles de relations à première vue très énigmatiques et compliqués. L'exploitation des données commence par un traitement numérique des personnes d'un réseau, incluant leur classement selon le sexe, la religion, l'appartenance ethnique, le rang et la fonction militaire et social, ainsi qu'une évaluation de la durée, de la forme ou encore de la fréquence des contacts qu'entretiennent les personnes avec le réseau considéré. Ce travail prosopographique soulève d'importants problèmes pratiques. Mais en mobilisant tous les indices disponibles, il est possible d'étudier, à partir du Futûh al-Habasa, plus de cinq cents personnes citées dans le texte, et au moins une centaine de groupes de personnes, appartenant tant à la partie éthiopienne qu'à la partie musulmane. Cet ensemble peut être divisé en plusieurs groupes. 1) En premier lieu se trouvent les chefs d'armée d' Ahmad Gran, qui sont désignés comme tels dans la source. Accompagnant le chef dans ses expéditions militaires, ils pouvaient être responsables de la conquête ou de la régence de régions nouvelles et, par là même, se trouvaient en situation de dépendance par rapport à lui. Ahmad Gran entretint des relations particulièrement étroites et durables avec certains d'entre eux, comme par exemple avec Abu Bakr Qattin, avec son vizir (Addalï ou encore avec son cousin du côté paternel Zaharbûy Muhammad b. Mugâhid. Cette relation privilégiée peut se lire entre autre dans leur position hiérarchique dans le dispositif de la conquête. Mais parfois, les relations apparaissent comme conflictuelles. C'est le cas notamment au moment de la désertion de deux chefs * Universitât Mainz. 1 Votrtag, gehalten auf dem Symposium des Mainzer Sonderforschungsbereichs 295 "Kulturelle und sprachliche Kontakte", 25. Bis 27. Februar 1999. d'armée (sur 14 émirs cités), lors de l'occupation du château de Vamba Ge§ên. 2) Le gros des troupes était par nature subordonné aux nombreux sous-chefs et cavaliers d'Ahmad Grafi. À l'intérieur de ce cercle de personnes, relativement large puisqu'il comprend environ 140 individus, se dégage la figure du cavalier (AbdannaIr. Désigné comme "encrier", trésorier et administrateur du butin de guerre, ce personnage accompagne Ahmad Grafi depuis le début de la guerre jusqu'à 1535, date de sa mort. Il est à ses côtés lors d'une conspiration à Harar, se voit confier la protection et le convoyage des canons, et il conquiert la région du Ganz sur ordre de son chef. 3) À côté des sous-chefs et des combattants à cheval, le groupe suivant, pour lequel nous disposons d'une quarantaine de noms, est celui des simples soldats, c'est- à-dire l'infanterie. Ce sont ces hommes qui ouvraient le combat, et parmi eux se sont conservés les noms de ceux qui s'étaient particulièrement distingués dans les corps-à- corps, ou qui s'étaient jetés les premiers dans la traversée de l'Awash. Ces souvenirs pouvaient sans aucun doute augmenter le prestige des successeurs du héros, de ses compagnons d'arme, de son ethnie. 4) Les dénommés Mâlâsay forment un groupe spécial. Ils étaient la troupe d'élite d'Ahmad Gran. En tant qu'officiers de cavalerie particulièrement bien équipés, ils passaient pour les véritables conquérants, des guerriers rompus au combat et sur lesquels on pouvait toujours se fier. D'une liste séparée des Mâlàsay, on peut en tout retirer quinze noms. 5) Au cours de ses avancées militaires, Ahmad Gran était également accompagné par différents érudits en droit et en théologie. En tant que sermonneurs de l'armée, ils haranguaient les troupes avec des versets du Coran choisis à cet effet, mais ils étaient souvent eux-mêmes impliqués dans les combats. Pour la seule bataille de Sembere Kurê, on peut citer les noms de six personnes, deux d'entre elles ayant dû laisser leur vie sur le champ de bataille. Ces hommes avaient aussi parfois la fonction de marchands d'armes. Par ailleurs, en raison de leurs connaissances propres, certains se virent parfois confier par Ahmad Grafi des fonctions juridiques dans les nouveaux domaines conquis, tels que le Dawârû ou le Damot. Ce groupe compte quarante-trois personnes. 6) Un autre soutien, quoique souvent vacillant, aux campagnes d'Ahmad Gran, provenait des différents contingents ethniques, parmi lesquels les ethnies et clans somali occupent la première place. Ces groupes, Ahmad Grafi avait su se les concilier soit par des moyens pacifiques (s'étant imposé, par exemple, comme médiateur dans des conflits les opposant les uns aux autres), soit par la contrainte (à la suite de raids dévastateurs sanctionnés par un traité d'alliance). Ces alliances étaient de toute façon rétribuées par la redistribution des fruits des pillages et du butin de guerre, ce qui permettait en outre de gagner à sa cause d'autres ethnies. Ces contingents, ethniquement séparés, accompagnaient Ahmad Gran dans ses différentes incursions et avancées mi-litaires. Cependant, Ahmad Grafi ne fut sans doute jamais complètement dupe quant à leurs motivations propres, qui pouvaient du reste les mener à la désertion. Mais la politique d'alliance matrimoniale d'Ahmad Grafi lui permit de fidéliser les ethnies somaliennes et de les regrouper sous deux chefs influents. Ainsi de l'alliance de sa sœur Firdausa avec Mattân b. Utmân b. $âlid, de l'ethnie des al-Girrï. C'est ce dernier qu' Ahmad Gran nomma commandant de toutes les ethnies somali lors de la bataille de Sembere Kurê. 7) Outre ces groupes ethniques africains, on trouve parmi les troupes d' Ahmad Gran des contingents extérieurs. On peut notamment citer l'ethnie d'al-Mahra, venue de la péninsule arabique, et qui, représentée par 70 hommes, accompagna Ahmad Gran en de nombreux endroits. Largement rétribués pour leur aide,' ils furent notamment d'un grand secours lors de l'occupation des îles situées sur les lacs Hayq et Tânâ. Lors de l'occupation de l'église Saint-Stéphane sur l'île Hayq, Ahmad Gran chercha à utiliser à son profit leurs compétences artisanales. Pour la traversée d'un prisonnier de guerre musulman et pour le transport des trésors de l'église, ils devaient ainsi,' avec quelques Maghrébins, construire de petits bateaux de bois, qui s'avérèrent finalement inutilisables. Seule la construction d'un radeau de bois d'un type particulier, d'après une technique apprise par un renégat nommé Gû§a chez des Éthiopiens au bord de la mer Rouge, conduisit au résultat escompté. 8) Enfin, on trouve mention, dans le texte, de deux Indiens qui, lors de la deuxième occupation de Yamba GeSên (avril à juillet 1533), offrirent à Ahmad Gran leur savoir-faire technique de canonniers, et qui se firent rémunérer de cent onces d'or. Soit dit en passant, on compte aussi du côté éthiopien, deux renégats musulmans, qui actionnaient leurs canons contre leurs anciens "frères de foi". Pour conclure, on peut également mentionner quelques guides, hérauts et autres envoyés. Ils accompagnaient Ahmad Gran et ses chefs de troupes lors des avancées militaires sur un terrain souvent difficilement praticable, à travers le haut plateau très découpé, et avaient pour fonction de pénétrer tant à l'intérieur du réseau militaire musulman que chez l'ennemi. Dans un petit nombre de cas, quatre en tout, des paysans locaux furent fait prisonniers et interrogés, tâche qui fut essentiellement remplis par des renégats. Cette esquisse, dans laquelle certaines personnes et certains groupes peuvent être mis en relation, fait clairement comprendre qu' Ahmad Gran couvrait ses hommes et ses territoires de réseaux relationnels, que l'on peut restituer de façon graphique. À partir de l'action à l'intérieur des "réseaux d'Allah", construits de plus en plus efficacement, on peut aussi en déduire sa position de meneur politico-religieux, ou de "Bigman".

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