2009
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Nicolas Boulic, « « On m'appelle Outis» : une impuissance dérangeante chez Homère et Aristophane », GAIA. Revue interdisciplinaire sur la Grèce ancienne, ID : 10.3406/gaia.2009.1534
Au début des Guêpes d'Aristophane (w. 179-186), la critique a depuis longtemps repéré une parodie du chant IX de l'Odyssée et notamment de l'attitude pleine de ruse d'Ulysse face au cyclope Polyphème quand il affirme avoir pour nom outiç. Mais le réemploi de cette fausse identité par Philocléon échoue lamentablement, alors qu'elle permet à Ulysse de quitter la grotte où il était prisonnier. Nous tentons ici de comprendre pourquoi Aristophane a tenu à travestir ce passage homérique très célèbre à ce moment précis de sa pièce. Les parallèles entre la situation des deux héros littéraires est en effet bien similaire : tous deux déclassés, ils ont perdu - au moins pour un temps - leurs prérogatives et leur statut social mais aussi littéraire. Ulysse n'a presque plus rien du héros épique, hormis sa ruse, et Philocléon n'a plus rien du vieillard aigri des comédies, puisqu'il est l'objet d'un rajeunissement magique. Egarés dans les marges de la caractérologie littéraire, ils ne sont à proprement parler « personne ». Mais c'est dans leur capacité à sortir de cette impasse que leurs sorts divergent : Ulysse transmue son statut d'ouTiç grâce à sa μήτις, tandis que Philocléon devient ουδέν, ce qui prouve son incapacité à regagner sa place de père et de chef de famille. En ce sens, la signification profonde de cette parodie a beaucoup à voir avec une authentique obsession aristophanesque : la critique du patriarcat.