2011
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Claude Blanckaert, « La linguistique naturaliste : de l’exclusion à l’histoire », Histoire Épistémologie Langage, ID : 10.3406/hel.2011.3218
Depuis les premières polémiques engagées par Michel Bréal puis Ferdinand de Saussure, la linguistique organiciste du 19e s. est couramment dénoncée comme une sorte de pseudo-savoir tirant son audience du seul prestige de la biologie ou des doctrines évolutionnistes et raciales en vogue. Sous ce rapport, l’historiographie des sciences du langage fait souvent cause commune avec la tradition disciplinaire. Son jeu de citations, ses critiques tranchées, ses visées normatives épousent les traits sélectifs et conventionnels de la mémoire vive académique. L’ «horizon de rétrospection » organise son récit. Celui-ci se conforme alors aux procédés de légitimation ou de censure qui valorisent la bibliothèque des «classiques » au détriment d’autres corpus sans héritage reconnu ou admis. Du fait de son double aspect régulateur et contre-référentiel, la science des manuels assure sa représentation chronologique de deux manières opposées, mais complémentaires, soit par capitalisation des sources, soit par recentrage et exclusion. Cet article étudie les opérateurs de démarcation («canonisation » , «distanciation » et «exclusion » en particulier) qui caractérisent les usages performatifs de l’histoire dans un cadre professionnel. La dernière partie questionne ces présupposés historiographiques, et notamment l’hégémonie prétendue de la biologie en linguistique, pour en montrer la partialité et suggérer d’autres voies d’approche du paradigme naturaliste.