Graal païen, Urvolk et croix gammées. Quelques réflexions sur l’œuvre d’Otto Rahn

Résumé Fr

Pratiquement absent de l'abondante production historique allemande et anglo-saxonne consacrée au nazisme, l'écrivain Otto Rahn occupe une place particulière dans la mythographie du catharisme. Ses livres profondément racistes et antisémites sont constamment réédités et ont donné naissance à une frange de l'historiographie néo-cathare, porteuse des idées de l'extrême droite. À travers une lecture croisée des ouvrages de Rahn, La Croisade contre le Graal (1934) et La Cour de Lucifer (1937), Jean-Marc Lafon tente de comprendre quels furent les véritables desseins de ce personnage trouble qui récemment encore divisait les historiographes du catharisme. Pour lui, il ne fait aucun doute que les réflexions de Rahn s'inscrivent dans la tentative calculée et délibérée de reprendre et de systématiser tout l'imaginaire occitan du catharisme afin de le faire coïncider avec les valeurs de l'idéal nazi. Cette démarche aurait été orchestrée dans un but bien précis : préparer chez les occitanistes et les néo-cathares du Midi un terreau intellectuel sensible à la Weltanschauung, à l'instar de ce que les nazis essayèrent de faire dès le début des années Trente dans plusieurs mouvements autonomistes français. Les ouvrages de Rahn traduisent cette inspiration idéologique d'un brun soutenu et son Graal, recherché en Languedoc, à Montségur, en Italie fasciste ou en Allemagne, n'est en définitive que le symbole d'une tradition aryenne que l'auteur espérait voir se lever partout grâce à l'esprit nazi.