1983
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Manuel Alvar, « Lengua y habla en las novelas de Miguel Delibes », Bulletin hispanique, ID : 10.3406/hispa.1983.4510
Le romancier ne prétend pas détruire le langage, il le grandit. Loin d'être une prison, la langue est liberté : celle d'en faire un usage personnel, comme n'importe quel instrument. Delibes choisit d'écrire comme on parle, et ses personnages parlent en fonction de leur savoir : des exemples tirés de divers romans en apportent la démonstration. Le romancier distingue nettement le langage rural du langage populaire (des bas quartiers urbains) et place entre les deux le langage parlé des villes. L'univers rural, aux intérêts limités, a un langage extrêmement nuancé et précis. En revanche, en ville, où se brassent quantités d'intérêts et de méta- systèmes, le sémantisme se fait plus fluide (El Príncipe destronado). A l'intérieur du parler urbain, les divers niveaux de culture déterminent ce qu'on peut appeler une linguistique sociale ou une dialectologie verticale (El disputado voto del señor Cayo). Les livres composés autour du thème de la chasse constituent un filon inépuisable pour le dictionnaire : Delibes s'y fait ethnologue, folkloriste, dialectologue, étymologiste. Les préoccupations linguistiques de Delibes le conduisent à l'univers de la théorie (Parábola del náufrago) : en dehors de langages techniques hautement spécialisés, le mot n'est jamais univoque. Le livre pose les problèmes des langues artificielles, du « babélisme » ou des parlers de groupe (le contracté), et débouche sur une totale désillusion.