1986
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Jean Canavaggio, « La « Meseta accidental » de Jorge Guillén », Bulletin hispanique, ID : 10.3406/hispa.1986.4580
D 'Eugenio Frutos à Manuel Alvar, les exégètes de Cántico ont volontiers souligné le caractère castillan de Meseta. Alors même que ce poème transcende toute localisation anecdotique pour nous proposer un monde quin- tessencié, Guillen lui-même a confirmé ce point de vue en l'incluant dans Serie castellana, l'anthologie qu'il a publiée en 1978. Notre étude se propose de dégager la nature exacte de cette « castilla- nité ». Parler, à propos de Meseta, de « pure inspiration castillane » revient en effet à faire table rase des circonstances dans lesquelles ce romance a été composé. Commencé en juillet 1927, dans la station balnéaire normande de Veules-les-Roses, il procède en fait de la contemplation d'une autre « meseta » que celle qu'ont célébrée naguère les écrivains de la génération de 98 : il s'agit du Plateau de Gaux, décrit notamment par Flaubert et Maupassant. Les connotations du titre et l'absence, dans le texte, de tout élément strictement dénotatif ont permis une « castillanisation » a posteriori de ce paysage, à laquelle ont collaboré le poète et ses lecteurs. La « castillanité » de Meseta est ainsi liée à la valeur polysémique d'une poésie « élémentaire ». Plateau normand et plateau castillan nous apparaissent comme deux jalons sur la trajectoire qui nous mène des « mesetas accidentales » a la « meseta esencial » de Cántico.