Des catégories perceptives et naturelles : un exemple d'instrumentalisation de l'anthropologie en sciences cognitives

Résumé En Fr

Perceptive and natural categories : an example of anthropology's instumentation in the cognitive sciences Three examples of cognitive psychology and linguistic research on categorization will be presented in order to illustrate the implicit assumptions on which the cognitive sciences rely. First, we analyse the anthropological work of Berlin and Kay, followed by Rosch, about the categories of colors and color naming in different cultures. Second, our recent research on odors allows to consider the fact that the cognitive models elaborated so far are highly specific to the visual modality. Finally, we examine the theory of natural categorization that has evolved from Rosch' s work. The extension of a «naturalness » from categories of natural objects to the processes of categorization, prevents cognitive research from studying the symbolic systems as the locus of meaning generation, and tends to ground cognitive phenomena rather on natural sciences than on human and social sciences.

Nous montrons en partant de trois exemples portant sur les phénomènes psychologiques de la catégorisation et des rapports entre catégorisation et perception -à propos desquels, justement, l'anthropologie a été convoquée -comment les présupposés implicites des courants dominants les sciences cognitives induisent à construire des objets cognitifs très particuliers, dont la «réalité » relève plus de la culture de leurs auteurs, que de l'élaboration de concepts scientifiques. Les travaux anthropologiques de Berlin et Kay sur les catégories de couleurs dans diverses cultures ont permis de renvoyer à des déterminations non culturelles (celles des sciences de la nature), les phénomènes étudiés. En second lieu, les recherches sur les odeurs permettent de reconsidérer les modèles cognitifs élaborés à partir de la modalité visuelle. Enfin, nous examinons la théorie des catégories naturelles issue des travaux de Rosch. L'utilisation de la notion de «naturel » dans cette perspective cognitiviste, permet de dénier aux systèmes symboliques la propriété d'être le lieu de déterminations spécifiques de la génération du sens. Ces analyses conduisent à poser comme problématique pour les sciences cognitives l'identification de ses niveaux d'analyse, de description et de constitution des faits.