2014
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Véronique Rouchon Mouilleron, « Saint François au Mont-Saint-Michel. Enquête sur la transmission mémorielle d’une image disparue », Journal des Savants, ID : 10.3406/jds.2014.6317
Dans le cloître de la Merveille au Mont-Saint-Michel, un relief du XIIIe siècle, sévèrement martelé, ne doit son identification qu’à quelques documents modernes des XVIIe et XVIIIe siècles, issus des pères mauristes, historiens du monastère, et de l’intendant de Basse-Normandie, Foucault. Ils le désignent comme une représentation de saint François prise sur le modèle de l’image figurée par Joachim de Flore dans la basilique Saint-Marc de Venise. Ils reportent aussi l’inscription (également disparue) qui l’accompagnait, dont le formulaire commémore la coïncidence entre la canonisation du saint et l’achèvement du cloître en 1228. Le renseignement est essentiel pour tous les spécialistes de l’architecture montoise, car il permet de caler les autres étapes du chantier de la Merveille. Or l’ensemble de ces données a été retenu sans que les modalités de leur rédaction et de leur transmission aient été vraiment soumises à analyse. On s’est donc proposé de recontextualiser la documentation qui touche la sculpture de ce saint François et les enjeux de sa réception, entre Moyen Âge et Temps modernes. L’enquête concerne la tradition textuelle et visuelle qui a fait rapporter l’image normande à l’abbé de Flore et à la Venise du XIIIe siècle. Or, la mémoire savante des bénédictins apparaît ici, de façon inattendue, très dépendante du contentieux qui divisait alors l’ordre des mineurs, entre les observants et les capucins, à propos de la forme de l’habit franciscain. Car le relief médiéval montois servait à alimenter les discussions sur l’authenticité du vêtement originel de saint François. L’implication de cette sculpture dans l’actualité religieuse des XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que des considérations épigraphiques et iconographiques obligent à revoir la certitude qui entoure la date de 1228, non seulement pour la sculpture de ce saint François, mais, en corollaire, pour l’ensemble du chantier du cloître. medieval carving was considered as a reliable depiction of the genuine habit of St Francis. Considering such a contextualization within the religious events of the 17th and 18th centuries, and through other analyses in the fields of epigraphy and iconography, it allows for doubting the year 1228, not only regarding the carving of St Francis, but also, consequently, concerning the whole cloister’s construction.