1998
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Jacques Guy, « Un prétendu déchiffrement des tablettes de l'île de Pâques », Journal de la Société des Océanistes, ID : 10.3406/jso.1998.2041
Le déchiffrement des tablettes de l'île de Pâques par Fischer, qui a fait l'objet de rapports enthousiastes y compris dans la presse scientifique ("Nature, New Scientist,), est sans fondement. On ne saurait appeler « déchiffrement » l'unique traduction proposée, d'une suite de trois signes, mais tout au plus une « interprétation ». En outre, cette interprétation contient à la fois un barbarisme (un emprunt au tahitien) et un solécisme ; elle ne se trouve nulle part dans les littératures orales pascuanes ou polynésiennes ; dire qu'un corps céleste peut être engendré par de vulgaires animaux est contraire aux traditions où les procréateurs sont des dieux, des déesses, des personnages mythiques, parfois certes des animaux ou des éléments, mais toujours personnifiés et jamais au pluriel. La démarche menant à cette interprétation est incohérente, entachée de distortion des données, d'eurocentrisme, d'erreurs de raisonnement. Si cette interprétation était juste, elle conduirait en outre à un déchiffrement absurde d'une brève suite de signes où, il y a quarante ans, Butinov et Knorozov avaient vu une généalogie possible, du type « A, fils de B ; B, fils de C ; C... ». Le prétendu déchiffrement de Fischer, loin de contribuer à nos connaissances de la civilisation pascuane, constitue plutôt une régression. Le battage qui continue à se faire autour est d'ailleurs bien plus la marque d'une opération publicitaire orchestrée que d'un travail sérieux.