Amener la vigne au village. Matériaux pour une histoire des fêtes et dévotions à saint Vincent : l'exemple du Bugey (Ain)

Résumé En Fr

Julliard (André). — Leading the vine into the village. Documents for the history of feast and devotions to St. Vincent : the case of Bugey (Ain). In the wine-producing region of eastern France we can count 65 protector saints of the vine and the wine. Today, practically everywhere, St. Vincent is celebra-ted by the wine growers as the first ans most important patron saint. St. Vincent, on the ritual feast day of January 22nd, leads the vineyard to «its» village in a secular procession. A statue or a vine decorated with bunches of grapes, leads ail the village, and the vine, into the wine cellars. To taste the wine and set the statue or vine on the barrels are two versions of the same act, devoted to the fertility of the vine, the vitality of the village community, and the abundance and quality of the harvest. From the example of southern Jura (Bugey), we try to reconstitute the historical, economic and social conditions of the emergence and continuity of this winter journey in which the vine meets man. At the beginning of the century, wine growers that refiised to professionalize, small businesses more attached to the abundance rather than the quality of the harvest, and villages weakened by polyculture, ail make the municipal and church authorities realize the necessity of these célébrations in maintaining the cohésion of the community. The continuity of the vine becomes emblematic not of a corporation but of a village in its entirety. And by not having the procession in the vineyards, the symbolic logic of the St. Vincent célébration avoids internai social division : between the church, the cellar and the banquet hall, the wine on that day is for eve-ryone. Le Monde Alpin et rhodanien, le-2e trimestres 1994. Les chemins du vin, pp. 107 à 145-

Julliard (André). — Amener la vigne au village. Matériaux pour une histoire des fêtes et dévotions à saint Vincent : l'exemple du Bugey (Ain). Dans la France viticole de l'Est, on recense 65 saints protecteurs de la vigne et du vin. Aujourd'hui et pratiquement partout, Vincent est fêté par les vignerons dont il est le premier et le plus important des saints patrons. La Saint-Vincent (22 janvier) amène rituellement, en procession laïque, le vignoble à l'intérieur de «son» village. La statue, ou un cep décoré de grappes de raisin, conduit tous les villageois, et la vigne, dans les caves des viticulteurs. Goûter le vin et poser la statue ou le cep sur les tonneaux, sont deux versants d'un même acte pour la fertilité de la vigne, la vitalité de la communauté villageoise, l'abondance et la qualité de la récolte. A partir de l'exemple du Jura méridional (Bugey), nous essayons de repérer les conditions historiques, économiques et sociales de l'émergence et de la pérennité de ce trajet d'hiver par lequel la vigne vient à la rencontre de l'homme. Au début du siècle, une viticulture qui refuse la professionnalisation, des petits propriétaires plus attachés à l'abondance qu'à la qualité de la récolte, des villages fragilisés par le choix de la polyculture font ressentir aux responsables municipaux et ecclésiastiques la nécessité de telles fêtes pour animer et maintenir la cohésion locale de la communauté. La pérennité de la vigne devient emblématique non d'une corporation mais du village dans son entier. En ne processionnant pas dans le vignoble, la logique symbolique de la Saint-Vincent évite les clivages sociaux internes : entre l'église, les caves et la salle de banquet, la vigne est, pour ce jour, à tout le monde. Le Monde Alpin et rhodanien, le-2e trimestres 1994. Les chemins du vin, pp. 107 à 145.