Idéologie, mythe et science. Le loup objet de toutes nos passions

Résumé En Fr

Ideology, myth and science. The wolf as the object of ail passions. This paper intends to evidence first the different representations of the wolf in the debates aroused by its arrival in the Alpes-Maritimes. In front of the heavy pressure undergone by the cattle breeders, ethologists are trying to explain that the wolf's slaughters can be viewed as resulting of two types of distinct behaviours : the one that is adopted during prédation on wild fauna, and the one that concerns domestic livestock. They suggest it is the behaviour of panicking flocks that induces carnages. Following an anthropomorphising process, some publications show the wolf as a victim in the sense that, being deprived of its natural preys, it is in a way compelled to fall back on flocks. Besides, its dangerousness for man is smoothed out, or admitted only in case of rabies. What is really at stake in this debate, is the will, for ecologists, to save eradicated species in order to rebuild an ecological balance. The myth of the attacking wolf, as conveyed by oral and written traditions, is thus replaced by an ideology that is in fact another kind of mythic thinking. We then trace the history of stands and argumentations as they appeared in the press from 1982 to 2001, as well as mea-sures proposed by officiai institutions. Evidences of damages caused by stray dogs added complexity to the debate and fed the controversy. Therefore, the wolf as an animal is progressively disappea-ring, and eventually becoming a standard raised by each part to defend their cause. It is used as an argument to denounce environmental measures on the one hand, and unsuited pastoral practices on the other hand.

Cet article se propose tout d'abord de mettre au jour les différentes représentations du loup dans les discours suscités à la suite de son arrivée dans les Alpes-Maritimes. Face à l'énorme pression que subissent les éleveurs, les éthologues tentent d'expliquer que ses tueries résulteraient de deux comportements distincts : celui adopté au cours de prédation sur la faune sauvage, et celui réservé au cheptel domestique. C'est le comportement panique des troupeaux qui encouragerait le carnage. Dans une opération d'anthropomorphisation, certaines publications présentent le loup comme une victime dans la mesure où la privation de ses «proies naturelles» le contraindrait à se rabattre sur les troupeaux. Par ailleurs, sa dangerosité pour l'homme est gommée, ou admise dans le seul contexte de la rage. Le véritable enjeu de cet argumentaire est la volonté, pour les écologistes, de sauvegarder les espèces éradiquées pour reconstruire l'équilibre écologique. Le mythe du loup agresseur, véhiculé par l'ensemble des traditions orales et écrites, se trouve ainsi remplacé par une idéologie, qui est en fait une autre pensée mythique. Suit un historique des prises de positions et des argumentaires tels qu'ils apparaissent dans la presse entre 1982 et 2001, ainsi que des mesures proposées par les organismes officiels. La mise en évidence des dégâts causés par les chiens errants complexifie le débat et alimente la polémique. Ainsi le loup en tant qu'animal disparaît progressivement pour devenir in fine un étendard que chaque camp brandit pour défendre sa cause. Il est un argument de dénonciation des mesures environnementales d'un côté et de pratiques pastorales inadaptées de l'autre.