2002
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Christian Abry et al., « Trois notes sur les fondements du complexe de Primarette. Loups-garous cauchemars, prédations et graisses », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, ID : 10.3406/mar.2002.1767
Le complexe de croyances bas-dauphinois que nous disons de Primarette (depuis 1747, cf. aussi Dionay en 1754) correspond au récit-type suivant : Des seigneurs-verriers envoient des loups-garous, leurs agents, récupérer la graisse (chair) des enfants pour la fabrication du verre, y compris avec la complicité du clergé. Nous établirons les fondements neurocognitifs — disons pour abréger, cérébraux -de cette croyance au loup-garou. Puis, en relation, le modèle de la prédation sur l'humain -sa chair, son sang, sa graisse — de telles «semblables chasses». Enfin, les éléments historiques locaux de la prédation de la graisse pour fournir au travail du verre du seigneur, motif qui caractérise le complexe de Primarette. Il s'avère que la lycanthropie (louberou) se produit au départ avec le même état dissocié du cerveau que le cauchemar (chauchevieille) : la cataplexie se rencontre avec la paralysie du sommeil. Cet état du cerveau est encore vécu par les sujets selon un modèle, de type chamanique, de prédation de l'humain : passive dans le cauchemar, le corps de Soi visité par un Autre prédateur ; et active en lycanthropie, le double du corps de Soi visiteur-prédateur des Autres. Finalement la chauchevieille, sorcière diabolisée, a disparu d'un Bas-Dau-phiné devenu anti-clérical ; est resté le louberou «pro-seigneurial». Malgré les connexions troublantes trouvées, via les conquistadores, entre le loup-garou d'Europe et les différents Nak'aq, Lik'isiri, de l'Amérique andine, la prédation sur l'humain s'exerce ici et là-bas selon deux conceptions ontologiquement différentes : pour le Quechua et l'Aymara, la graisse est l'âme des choses naturelles, de la montagne, comme elle l'est des humains ; pour le Viennois de Primarette, la graisse humaine opère aussi sur les choses, mais sans que le verre en vienne à posséder une âme dégraissé.