1988
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Sylviane Guillaumont, « Dévaluer en Afrique ? », Revue de l'OFCE, ID : 10.3406/ofce.1988.1155
En dépit du flottement des grandes monnaies du monde, la question de l'opportunité d'une dévaluation reste d'actualité pour de nombreuses économies, notamment dans les pays en voie de développement engagés avec le concours du Fonds monétaire et de la banque mondiale dans un « programme d'ajustement structurel ». La dévaluation est l'un des aspects de la conditionnante des crédits du FMI qui a été le plus discuté et a parfois conduit à une rupture des négociations des Etats avec le Fonds. Le présent article étudie le cas d'une petite économie en voie de développement souffrant d'un déséquilibre important et durable de sa balance des paiements dont le rééquilibre impose une baisse du taux de change réel, autrement dit une amélioration durable de la compétitivité vis-à-vis de l'extérieur. Il présente une analyse théorique des conditions et des conséquences d'une baisse du taux de change réel avec et sans dévaluation. Il met en lumière le rôle crucial des anticipations d'inflation dont dépend l'efficacité de la dévaluation. L'analyse théorique est ensuite illustrée par l'étude de l'expérience d'ajustement menée par cinq Etats de l'Union monétaire ouest-africaine depuis 1980. L'originalité de cette politique est d'avoir été menée sans recours à la dévaluation, l'appartenance de ces Etats à une Union monétaire les empêchant de modifier, par une décision unilatérale, leur taux de change. Le trait caractéristique de révolution des taux de change effectifs des pays de l'UMOA est une dépréciation réelle de ces taux supérieure à la dépréciation nominale, alors que l'on constate en général la relation inverse, en raison de l'effet inflationniste de la dévaluation. Cette évolution particulière des taux de change de l'UMOA semble s'expliquer par l'absence d'anticipations inflationnistes, du fait que la dépréciation nominale du taux de change n'a pas résulté d'une dévaluation du franc CFA mais a découlé indirectement de la dépréciation du franc français auquel le franc CFA est rattaché. Il apparaît ainsi que la politique monétaire et budgétaire nécessaire pour faire baisser le taux de change réel n'aurait pas été rendue moins restrictive par une dévaluation. La volonté des gouvernements de l'UMOA d'ajuster leur économie sans dévaluer se trouve donc justifiée. Toutefois cette conclusion ne permet pas de préjuger des décisions souhaitables pour l'avenir qui dépendront de l'évolution de l'environnement international. L'expérience des Etats de l'UMOA, même si elle n'est pas directement transposable, montre que la fixité institutionnelle du taux de change, en réduisant les prévisions d'inflation, accroît l'efficacité du contrôle de la demande globale.