1992
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Département des diagnostics de l'OFCE et al., « Conflits d'intérêts », Revue de l'OFCE, ID : 10.3406/ofce.1992.1288
Les blocages monétaires et financiers que l'on pouvait au printemps espérer voir rapidement levés ont persisté partout dans le monde industrialisé. Les dérèglements qui s'ensuivent sont d'autant plus vifs que la confrontation a pris le pas sur les velléités de coopération internationale. Aux Etats-Unis, la reprise s'est déroulée jusqu'à l'été 1992 selon un schéma usuel en termes de chronologie mais d'une ampleur inhabituellement faible. Elle s'est interrompue à l'été du fait notamment que la baisse des « fed funds » n'est pas parvenue à entraîner celle des autres taux d'intérêt de manière suffisamment puissante. Ce n'est guère avant le début 1993 que l'économie retrouvera le chemin d'une croissance lente. Au Japon, le dégonflement de la bulle spéculative met en relief le surinvestissement et alourdit le poids des dettes. Le plan de relance, destiné à parer aux risques de déflation avant de pouvoir espérer provoquer une véritable croissance, risque de n'avoir que des effets limités. En Allemagne, face à la réalité des tensions inflationnistes, la Bundesbank n'assouplira pas spontanément sa politique avant la mi-1993. Elle pourrait toutefois être contrainte de le faire avant sous la pression des événements. En effet aussi longtemps que les taux d'intérêt allemands resteront à un niveau trop élevé pour les partenaires européens, et au-delà pour les Etats-Unis, les turbulences sur les marchés des changes et les marchés financiers menacent de dégénérer en véritables effondrements. Tant que les taux d'intérêt allemands n'auront pas baissé de manière significative, les pays européens qui s'infligent par ailleurs pour nombre d'entre eux des plans d'austérité budgétaire traverseront au mieux une stagnation, au pire une récession. Dans un tel contexte c'est une logique de parts de marché qui sera à l'œuvre, non de dynamique européenne. En France, le climat économique au début de septembre 1992 témoigne d'une dégradation de l'activité. Un rebond s'était manifesté au premier trimestre, comme dans les autres pays, mais il fut éphémère. Les entreprises compriment de plus en plus leurs budgets d'investissements et la confiance des consommateurs se dégrade à nouveau. Les agrégats monétaires se tassent, après s'être un peu étendus. Faute de détente financière, la croissance française ne pouvait en tout état de cause dépasser 2 % en 1992. Les désordres monétaires de septembre accentuent le marasme ambiant et l'année 1992 se terminera par un repli d'activité. La formulation d'une prévision à la mi-septembre est périlleuse. Parmi les choix qui s'ouvrent aujourd'hui, on peut faire celui de reporter dans le temps la réalisation de l'hypothèse de révision de la politique économique allemande et décaler ainsi la reprise de l'activité qui en découle. Cela conduit à décrire une croissance française qui ne s'opérerait qu'à partir du milieu de 1993 et qui atteindrait 2 % en moyenne annuelle. Elle est fondée sur une reprise modérée de la consommation des ménages, une croissance décalée de l'investissement des entreprises, une progression des importations et des exportations allant de pair, et une politique budgétaire qui ne comprime pas les dépenses en deçà de la progression du PIB en valeur. Faible hausse des prix et maintien d'un excédent commercial en découlent. Montée du chômage également, que seule l'intensification du traitement social permettra de contenir. Le risque est cependant, par ce parti pris, d'adopter un schéma moyen, qui décrit les mécanismes en œuvre et non les ruptures auxquelles ceux-ci peuvent conduire. Les désordres monétaires et financiers actuels, s'ils se prolongent sans révision des politiques économiques, rendent plus crédible le risque de déflation où le poids croissant de l'endettement des agents limite leurs dépenses courantes et où les réajustements monétaires bouleversent les parts de marché. La croissance française serait alors bien plus faible. Inversement, si les autorités allemandes sont contraintes à un revirement plus précoce et pas seulement symbolique, il n'est pas exclu d'envisager pour 1993 une croissance plus franche.