1995
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Équipe Mimosa et al., « Quand les marchés triomphent : une projection de l'économie mondiale à l'horizon 2002 », Revue de l'OFCE, ID : 10.3406/ofce.1995.1407
Les années récentes ont été marquées par le triomphe des marchés et la mondialisation croissante des échanges de marchandises et des flux de capitaux. Mais les marchés sont versatiles : leur mimétisme les conduit à des phases d'engouement excessif suivies de replis brutaux. Les gouvernements sont de moins en moins armés devant une instabilité grandissante. Imposant des politiques économiques vertueuses, le triomphe des marchés ne se fera-t-il pas au détriment de la croissance et de l'emploi ? Après la récession des années 1991-93, la plupart des pays de l'OCDE ont retrouvé en 1994-96 une croissance à un rythme de 2,8 à 3%. Toutefois, le déficit de croissancce n'a généralement pas été récupéré. Une croissance plus vigoureuse nécessiterait une forte coordination internationale des politiques budgétaires, monétaires et salariales : celle-ci étant impossible, la plupart des pays doivent se résigner à une croissance trop faible, mais vertueuse. La plupart des pays se trouvent confrontés à un dilemme : accélérer la croissance pour résorber le supplément de chômage ou réduire leur déficit public. Surveillés par les marchés, ils sont vite contraints de choisir des politiques budgétaires restrictives. Les craintes de résurgence de l'inflation, celles des marchés ou celles des Banques centrales, bloquent rapidement toute flambée de croissance. Selon notre projection, la croissance de l'ensemble des pays de l'OCDE serait de l'ordre de 2,8% de 1994 à 1996 ; elle fléchirait à 2,0% en 1997 et 1,2 en 1998, puis remonterait à 2,1 % en 1999 et 2,6 en 2000-2002. Ces fluctuations correspondent à la dynamique de l'investissement productif. Une fois que le taux d'investissement atteindrait un niveau satisfaisant, le rythme de la croissance demeurerait médiocre, en l'absence d'éléments moteurs : les politiques budgétaires resteraient relativement restrictives, le niveau des taux d'intérêt réels à long terme resterait élevé, la consommation des ménages serait bridée par la faiblesse des hausses de salaires; enfin, les importations des zones hors OCDE (Asie peuplée, PECO, CEI, Amérique latine) augmenteraient fortement, mais ces zones exporteraient aussi beaucoup, concurrenceraient les pays développés et n'accumuleraient guère de déficits extérieurs massifs. La croissance des Etats-Unis (2,2 % l'an en moyenne de 1994 à 2002) serait proche de sa croissance potentielle ; le Japon rentrerait dans le rang (2,4 % de croissance annuelle). En Europe, les pays du Sud connaîtraient une croissance plus vigoureuse et plus inflationniste (3,4 % l'an) ; l'Allemagne bénéficierait de l'essor de sa partie orientale (2,9 % de croissance ; 2,3% pour l'Ouest) ; la France, le Royaume-Uni et l'Italie connaîtraient des croissances modérées (2, 1 %). Le taux de chômage européen resterait important, même si sa hausse serait enrayée. Les taux d'inflation restent compris entre 2 et 3% pour la plupart des grands pays de l'OCDE. Les risques d'une forte résurgence de l'inflation dans les grands pays sont très limités, car la croissance est relativement modérée; les pays qui se rapprocheraient du plein-emploi (Etats-Unis, Allemagne) ont des autorités monétaires peu disposées à laisser l'inflation augmenter. L'UEM se ferait en 1999, mais ne regrouperait qu'un noyau dur de pays européens. La plupart des PECO, après avoir connu une chute de production dramatique et touché le fond en 1992 ou 1993, sont en train de remonter la pente à un rythme relativement rapide, et leur taux de croissance devrait atteindre 5 % dans les années à venir. La remontée n'est toutefois pas encore assurée pour la Russie. Au cours des prochaines années, l'essor du commerce international profiterait aux pays du Sud, permettant un rééquilibrage de la croissance à l'échelle mondiale. Mais celle-ci serait encore inégalement répartie entre les différentes régions : l'Asie du sud- est se développerait vivement, tandis que l'Afrique ne parviendrait pas à s'extraire de ses difficultés.