1981
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Jean Fremigacci, « Protectorat intérieur et administration directe dans la province de Tulear (1904-1924), mythes et réalités », Outre-Mers. Revue d'histoire, ID : 10.3406/outre.1981.2310
La province de Tuléar offre le meilleur des terrains pour démontrer le caractère mythique du discours colonial lorsqu'il reprend sans cesse pour thème le dilemne : politique d'association ou politique d'assimilation. A l'origine, Gallieni avait bien tenté par ses directives de 1902 d'instaurer un système de protectorat. Mais ce fut un échec dû en particulier aux répercussions de l'insurrection du Sud-Est et aux erreurs commises par l'administration dans le choix des chefs qu'elle voulait utiliser. Aussi, lorsque la province est définitivement constituée en 1908, se met progressivement en place un régime d'administration directe ambigu et contradictoire dans son inspiration comme dans son application. Il se voulait libérateur et progressiste mais en fait il établira une domination sans contre-poids. La province a été confiée aux administrateurs les plus réputés de l'époque (G. Julien par exemple) auxquels le gouverneur général a laissé une grande liberté d'action. Assimilateurs décidés, ils ont transposé dans le Sud-Ouest le régime administratif déjà réalisé sur les Hautes-Terres, travaillé à l'élimination des anciens royaumes et à leur morcellement en de nombreux cantons. Le contrôle ne cesse de se renforcer grâce à la politique de fixation des populations, à la multiplication des contacts avec les administrés et à des prestations de plus en plus lourdes. Mais dès 1917 le régime mis en place quelques années auparavant est en crise, guetté par l'impuissance et tenté par l'oppression. Le contraste est évident entre l'aggravation de la fiscalité et l'insuffisance de l'action économique et sociale. Le contenu de la « civilisation » que l'on prétendait apporter est dérisoire. Devant cette situation les réactions des populations prennent différents visages : résignation, « banditisme », résistance collective. La structure administrative plaquée sur le pays révélait toutes ses faiblesses : chefs de canton illettrés, personnel européen à forte dominante militaire, instable, trop peu nombreux pour les tâches à accomplir, ignorant des hommes et des choses du pays. Le pouvoir colonial n'a pas eu les moyens de ses ambitions.